mardi 3 juillet 2012

"Veux-tu être mon ami?" Non merci!


"On n'a pratiquement plus d'amis"
Mon épouse avait mis du temps à s'en rendre compte, mais ce qu'elle venait de me dire était tout-à-fait juste.
Je ne pus qu'acquiescer, et répondis aussitôt par une question, comme les Jésuites me l'avaient appris: "Tu as raison, et d'après toi, à quoi c'est dû?" En fait de mon côté, ce n'était pas un constat, je dirais même que c'était plutôt le résultat d'un long et patient travail personnel. Bien sûr, on n'est jamais à l'abri de rechutes, mais j'étais assez satisfait de la raréfaction de nos relations, de la quasi disparition des corvées "amicales".
Voici bien longtemps, seule la fuite m'avait permis de leur échapper, comme lorsque nous avions déménagé vers la région lyonnaise laissant derrière nous des montagnes de dîners entre amis...
Mais maintenant, peut-être l'âge aidant, il est devenu inutile de fuir. J'assume totalement mon attitude. Depuis plusieurs années, il est exceptionnel de rendre une invitation à dîner. C'est très efficace.
Réponse de mon épouse: "Aussi, tu ne fais aucun effort". Bien répondu. Bien vu.
Quoi, direz-vous, j'étale sans pudeur mon acide misanthropie? Que nenni. Au contraire, j'accorde trop de prix à l'amitié pour la cantonner dans de fades propos convenus de convives attablés. Il faut quand même qu'on vive, dirait Gérard Manset!
Intéressons-nous un instant à ce rituel du repas entre amis. Et d'abord tout ce qu'il ne faut pas aborder: la religion, la politique et le sexe. En fait, on en parle plus facilement avec son voisin de bus, de métro ou de bistrot qu'avec ses amis. Alors de quoi parle-t-on? De cuisine, de cinéma, de sport, de vacances, d'enfants, de boulot. Et hop, on a fait le tour. Ah oui, on fait aussi le tour du propriétaire histoire de piquer quelques idées de déco. Comme de plus on boit de moins en moins, pas d'échappatoire alcoolo-provoquée, pas de douce torpeur dans les vapeurs de digestifs. Régime sec et plats équilibrés. Bref, neuf chances sur dix de "passer un bon moment", ce que je traduirais par "royalement s'emm... ."
Pour oser appeler amitié une relation avec autrui, j'ai noté trois conditions indispensables, c'est peut-être un peu simpliste, mais cela fonctionne:
- d'abord, faire autre chose que dîner, avoir une véritable activité à partager. Sorties, danse, vélo, piscine, voile, vacances, randonnée... alors les repas sont facultatifs.
- ensuite, accepter et apprécier le silence. Etre capable de se trouver ensemble, marchant, lisant, vaquant chacun à une occupation, ou même simplement rêvassant, sans rien dire. Ne pas avoir à séduire, à imposer ou à convaincre. Etre juste content d'être ensemble.
- enfin, le plus difficile car le plus subtil. Etre certain de compter pour elle ou pour lui. Comment en être sûr, si ce n'est par des actes? Partager les bonnes choses, mais aussi les moins bonnes et les carrément mauvaises.. Le dicton a du bon, c'est dans l'adversité que l'on reconnaît ses amis. C'est un bon test, et qui arrive toujours tôt ou tard.
Pas surprenant que le nombre de nos amis fonde alors comme neige au soleil, mais je peux vous assurer que ceux qui restent forment un socle plus dur que le marbre, un repère plus lumineux que le phare d'Ouessant, une source plus revigorante que la Fontaine de Jouvence.

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