vendredi 12 juin 2015

Valeur de la mort d'Ulysse (Valar Morghulis)





J'ai un aveu à vous faire, chère lectrice, cher lecteur.
Je ne voudrais pas garder plus longtemps un mensonge pour moi, surtout qu'il s'est souvent répété, et que la vanité en était le seul méprisable ressort. Longtemps, lorsque le sujet venait sur la table, j'ai pris la posture du pur et dur intellectuel, celui qui ne mangeait pas de ce pain-là. Pas moi! Non, non, je ne regarde jamais la télévision, j'ai bien d'autres sujets d'intérêt que de me transformer en sofa potatoe le soir venu. Quelle belle attitude, quelle originalité!
Mais voilà, c'est tout faux, et je dirais même de plus en plus faux. Effectivement, je ne regarde pas d'émissions a proprement parler, mais alors qu'est-ce que je me rattrape en séries!
Oui, docteur, cela a commencé il y a de nombreuses années. Des amis m'ont tenté, pushers du petit écran, satans à la pomme virtuelle et après plusieurs hésitations, j'ai fini par toucher aux séries. Oh, j'ai commencé comme tout le monde, pour voir, un peu de "24 heures" avec Jack Bauer et le CTU. J'ai longtemps cru que je pouvais m'arrêter quand je voulais, jusqu'à la saison 4 que j'ai absorbée en un week-end, un flux quasi non-stop qui m'a laissé pantelant sur le canapé, empli d'un vague remords, mais avec comme seule

pensée le désir d'ingurgiter le plus vite possible la cinquième saison.

Oui, Docteur, c'était encore manoeuvrable, car ces crises étaient entrecoupées de longues périodes d'abstinence pendant lesquelles je retournais vaquer à mes habituelles occupations, me forgeant lentement une carapace contre ces violentes incursions bien éloignées de mon modus vivendi.
Mais depuis, j'ai chuté, tel le junkie moyen, empruntant les pentes de plus en plus raides, recherchant les sensations de plus en plus fortes, augmentant sans cesse les doses et l'excitation. Je suis devenu un sériphage chronique.
Je ne cherche pas à me disculper, à trouver d'autre coupable que moi, mais il faut avouer que l'offre a été surmultipliée, que les tentations sont quotidiennes. Il faudrait être trappiste pour ne pas avoir entendu au moins une fois le générique de Games of Thrones.
Il fut un temps, je me levai à la première heure le jour J pour piétiner devant la porte grillagée d'une grande librairie, et assouvir ma soif de la suite des aventures d'Harry Potter, fussent-elles en anglais. La satisfaction était à ce prix. Maintenant, je fonce tel un chien de Pavlov dès le premier jour de parution de la nième saison d'une énième série.
A noter que nous avons affaire à une publicité mensongère. On nous parle de saison, saison 1 par exemple en juin 2015, on pourrait s'attendre à avoir la saison 2 trois mois plus tard, à l'automne. Eh bien surtout pas, il faudra patienter une année. Mais bon, je ne me fais plus avoir depuis le rire condescendant du sbire de la Fnac!
Pourquoi je vous dis tout ça? C'est que je viens de regarder les saisons finales de deux séries bien connues, dont Dexter, et je suis tout tristounet. Le scénariste n'a pas réussi à faire mourir les héros (héroïnes) à la fin, et .... EH BIEN JE ME FAIS DU SOUCI POUR EUX! Que va-t-il leur arriver? Je ne serai plus là pour les regarder, vont-ils s'en sortir? Ce sont de bons amis que je laisse tomber. Je m'étais habitué à eux, j'étais petit-à-petit entré dans leur intimité, je m'étais attaché à eux, et puis plouf, bye bye, the end, écran noir, parti sans laisser d'adresse. Ah non, laisser les héros en vie, ce n'est pas du tout nous rendre service.

Rien de tel pour faire son deuil d'une série que d'accompagner ses protagonistes dans leur dernière demeure. On pleure, on a bien mal, on souffre, mais au moins c'est propre, c'est net. La cicatrice se refermera promptement et on repartira vers de nouvelles aventures ailleurs, sur de bonnes bases.
Breaking bad est exemplaire en ce sens, et je pense qu'il sera dur de faire une suite ... D'ailleurs "Better call Saul" est un "before" (très bon), astuce que Lukas a bien exploitée avec Star Wars.
Mais le sommet est atteint par Games of Thrones, car l'auteur a tout compris, et lui, il fait mourir ses héros tout le temps. Ah le 9ème épisode de la saison 3, j'ai dû prendre une verveine et vérifier trois fois tous les verrous de la maison avant de m'endormir. Mais au moins, on sait à quoi s'en tenir, et je m'en suis bien remis.
Alors, s'il vous plaît mesdames et messieurs les scénaristes, si vous ne le faites pas pour les acteurs, faites-le au moins pour les spectateurs: brûlez ce que nous avons adoré!