dimanche 9 septembre 2012

Ce soir j'attends "bas de laine"

Ouf, on s'en sort bien.
Tout heureux, je viens d'apprendre que la BCE reprend sans limites sur le marché secondaire les emprunts à court terme des pays de la zone Euro en difficulté.
J'espère que l'on ne trouvera pas d'actifs toxiques dans ces reprises, et que les fonds anglo-saxons de placement n'y verront pas matière à spéculation. Car on ne sait jamais. Il faut se méfier de tous et de tout maintenant, on vit dangereusement.
Je me souviens, j'étais en 9ème, (CE2 pour le public, mais j'étais dans le privé, comme à l'époque la majorité des écoliers du Nord-Pas de Calais).
En 9ème, donc, la leçon portait sur le prix de vente, qui était alors égal au prix de revient plus le bénéfice. Que la vie semblait simple et limpide! En leçon de perfectionnement, on avait même décomposé le prix de revient en matières premières achetées et heures de travail. Pratique!
Pour moi j'avais en main le sésame de l'économie mondiale, un peu comme U = RI en électricité.
Mais cette clé n'ouvre plus rien aujourd'hui. Bert Bernanke lui-même, le patron de la Réserve Fédérale des US, avoue ne pas tout saisir dans la valse des milliards de dollars qui changent de main virtuelle à chaque milliseconde.
Alors moi, hein? Peut-être que vous, lecteur(trice) avisé(e), vous maîtrisez le sujet économico-planétaire. Mais de mon côté, je me sens baladé dans tous les sens avec une force qui n'a d'égale que la compression de mon pécule boursier, et qui me transforme en ours polaire regardant avec tristesse fondre son bout de banquise.
Une amie m' a dit récemment que ses deux garçons avaient suivi des voies bien différentes dans la vie. L'un venait de passer son agrégation de philosophie, et partait faire prof dans un lointain lycée en Champagne-Ardennes. L'autre terminait à Cambridge un doctorat de mathématiques appliquées à la finance, et avait plusieurs propositions à la City, des ponts d'or pour optimiser les redoutables outils des traders d'outre-Manche.
Elle était un peu triste, se sentait presque coupable....Je l'ai félicitée chaleureusement pour l'un de ses garçons, et lui ai fait part de toute ma compréhensive sympathie pour l'autre.

Mais pour lequel, au fait?

Cornouaille


J'ai vu hier le film Cornouaille, avec Vanessa Paradis et Samuel Le Bihan.
Un beau film, très bien joué, où je n'ai pas forcément tout compris. Disons plutôt que ce film permet de comprendre un peu ce que l'on veut, et c'est bien ainsi.
Sacrifions une seconde à la page people: j'ai eu la chance d'apprécier Samuel Le Bihan cette année dans la pièce de théâtre "Hollywood". Il y est extraordinaire,et ses partenaires le sont à peine moins. On y rit, on y jubile,on a mal aux zygomates, on n'a pas honte de rire, ce n'est pas grossier, çà ne se moque de personne. Rien ne s'approche du théâtre dans ces moments de grâce. Bien sûr on reste spectateur, mais on se sent tellement vivant!
Cornouaille, donc. Attention, quand elle s'écrit avec un s au bout, c'est la pointe sud-est de l'Angleterre (Cornwall). Ici, c'est sans s, la pointe sud-est de la Bretagne, de Quimperlé à la pointe du Raz, en passant par Concarneau et Audierne.
Une parisienne part pour quelques jours en Bretagne vendre une propriété dont elle vient d'hériter. Un amour de maison perdue, coincée entre la lande déserte et l'océan à perte de vue, une plage de sable aux varechs ondulés à ses pieds. Même pas en rêve! On peut imaginer ce qui va se passer, même si ce n'est pas tout simple. On voit donc la maison pendant tout le film, en long et en large, au lever, au coucher du soleil....On y hume les odeurs exquises de bois que l'on brasse, de far au four et de bar au barbecue.
Eh bien, bizarrement, ce n'est pas cette maison ni le paysage qui m'ont ému. Pour moi, et sans que je puisse d'abord me l'expliquer, le plus beau moment du film, c'est une baignade toute simple, impromptue, dans les vagues de l'océan. On les voit tous les deux habillés, avec juste le bas de pantalon remonté, comme pour tâter l'eau. Mais les vagues sont mutines et le courant taquin. Les vêtements et les cheveux bientôt trempés, Odile et Loïck s'en donnent à coeur joie et sautent comme des enfants toujours émerveillés. J'ai ressenti au plus profond de moi ces vagues et ce contact direct avec l'eau, et je me suis dit que finalement, c'était bien ce contact avec la mer qui comptait et pas la maison derrière.
Et dire qu'avoir une petite maison avec vue sur la mer est un de nos rêves familiaux, notre serpent des mers chaudes (même tièdes), notre leitmotiv estival. Oui, ce n'est pas très original, je le reconnais, mais après tout, comment résister à nos pulsions animales? Nous sommes constitués en majorité d'eau salée, et nos lointains ancêtres avaient des nageoires... Alors ! Sur tous les rivages, dans toutes les criques, au bord de toutes les plages, chacun de nos séjours de vacances se conclut par une promesse, très sérieuse et très argumentée, de revenir et d'y devenir propriétaire. A ce rythme, nous devrions déjà avoir une vingtaine de homes sweet homes, répartis sur toute la côte française, DOM TOM y compris.
Mais Cornouaille m'a ouvert les yeux. Quand on y regarde bien, l'important, c'est l'eau, pas la pierre. Les splashs dans les vagues, pas les volets à repeindre. Les galets plats et ronds pour se sécher au soleil, pas le fioul à commander pour la chaudière. Et puis, imaginer les volets clos dix mois sur douze, c'est presque une offense, une insulte à ceux qui n'ont pas de toit... Alors, avoir deux maisons, c'est en avoir une de trop.
Et puis, pourrons-nous revenir toujours au même endroit, fût-il paradisiaque? Impossible, sans édulcorer les sensations, sans dévoyer le plaisir. Eh oui, la routine au paradis, c'est quand même la routine. Plus de découverte, plus de nouveauté, je sens déjà la rouille qui s'installe.
Bon, je ne sais pas si mon épouse sera convaincue.