Je suis très sensible au ton général d'une radio, et c'est celui de France-Info que je préfère. Il sonne souvent juste, entre l'énoncé le plus objectif possible de l'information et les enchaînements ou petits apartés entre journalistes. On sent un bon esprit d'équipe. Je me suis accoutumé au rythme régulier des invités, débateurs et chroniqueurs, et j'ai la certitude de ne pas avoir à subir les deux plaies radiophoniques majeures: des plages de publicité plus grandes que celle de Carnac et de Berck réunies, et, surtout, des interventions d'auditeurs aussi légères que les sketches de JM. Bigard.
Donc, tout va bien, d'autant que mon poste de radio est très ancien, et que je ne veux pas changer de réglage. J'ai trop galéré, entre crachotis et couinements, lors de la dernière grève des ondes publiques.
Tout va bien... ou presque. Car je coince sur les WE. Les samedis et les dimanches, c'est l'horreur du foot. Alors qu'ils pourraient être propices à la réflexion, à la prise de recul sociale, économique, culturelle, voire philosophique!
Hélas, la radio publique est envahie par une horde de journalistes sportifs qui prennent le pouvoir pendant tout le WE. Au secours, est-ce que quelqu'un est au courant? La démocratie qui règne en semaine est bafouée par des dictateurs footo-addicts, qui ne lâchent plus le micro une seule seconde. Oh, ils sont très bien organisés. Les matches sont étalés sur les deux jours et, en plus du commentaire in situ, ils sont pronostiqués, analysés, scannerisés, diagnostiqués, disséqués, etc... avec le même niveau de sérieux et de moyens que pour une élection présidentielle... à part qu'ils reviennent toutes les semaines!
Et quelle excitation! Ces verbeux du micro sportif ont un débit de mitraillette à faire passer un camelot de foire pour un bègue suisse. Evidemment, sans l'image, ils partent avec un handicap. Visiblement, si j'ose dire, cette carence les énerve. Alors ils surcompensent, ils forcent sur le vocabulaire, résolument guerrier. Une équipe ne se déplace pas à l'extérieur, elle va défier l'adversaire sur son territoire, elle ne prend pas le dessus, elle transperce la défense adverse, un joueur ne marque pas un but, il crucifie le gardien, etc...
Alors, je branche et débranche fébrilement ma radio tout le WE, avec d'autant moins d'espoir qu'une autre bande de malfrats radiophoniques commence aussi à sévir sur les ondes, la tribu de la France-Infovalie !
Finalement, merci à tous ces monomaniaques du ballon rond ou ovale, ils me feraient presque apprécier le retour du lundi et de son train-train quotidien (Japon, Lybie, Syrie, Marine, Claude Guéant, ...).