Voici bien longtemps, je fis mes humanités dans un lycée de Versailles. "Seul dans le désert, avec une feuille de papier et un crayon", tel était le bonheur que le professeur de mathématiques me fit miroiter, le regard brillant d'émotion.
J'avais 18 ans, une conspiration socio-éducative s'apprêtait à me voler deux années de ma vie (oh, pas grave, entre 18 et 20 ans!), à me souder à ma table d'écolier pour mieux m'évaluer, me soupeser et me trier, ("Trié sur le volé", comme dirait Goscinny dans Iznogoud)
Heureusement, j'ai trouvé d'autres bonheurs que les maths et la feuille de papier, j'ai même gardé quelques bons souvenirs de cette période cloîtrée.
Mais j'ai été marqué à vie par une découverte majeure: le symbole de l'infini!
Au début, il m'allait bien, ce huit nonchalamment allongé. L'écriture de sa forme doucement arrondie reposait le bras fatigué du guerrier scribe que j'étais devenu. C'était comme un petit jogging carpien.
Je me renseignai sur l'origine de ce symbole. Comme d'habitude, les experts ne sont pas d'accord entre eux, mais je penchai pour le côté poétique de l'avatar du dieu Vishnou, le serpent infini représenté enroulé sur lui-même. Pas de début, pas de fin. Un infini fermé, c'est beau quand même. J'aurais dû me méfier.
Je fus un peu surpris de retrouver cette image dans le ruban de Moebius, vous savez, cette courroie que l'on coupe, tord et recoud, et qui devient un mystère topologique, avec une seule face. Essayez et vous verrez, c'est bluffant.
Je me suis alors rendu compte que ce symbole commençait à me hanter. Heureusement la fin du tunnel arriva. Pour me changer les idées, je passai mes vacances en Bretagne, moniteur sur Caravelle de remuants jeunes parisiens envoyés là pour reposer leurs parents. Et qu'est-ce qu'il fait pour avancer, le moniteur, quand il n'y a pas de vent? Il godille. Et là, horreur! Le mouvement de la godille reproduisit très exactement ce huit allongé. De plus, il est vrai que pour bouger une Caravelle, il faut un temps presque infini.
Au retour des vacances, avec le statut d'élève de Grande Ecole en poche, je me préparai à me venger des deux années de bagne, me promettant un service minimum. Pas de quoi être fier, alors que les études devenaient justement intéressantes. Mais j'avais du temps à rattraper. Je m'ouvris ainsi à d'autres disciplines, disons pas officiellement répertoriées. A cette occasion, je me rendis compte que l'infini me poursuivrait toute ma vie.
Eh oui, je retrouvai,
à mon corps défendant,
ce signe universel
dans l'hypnotique boucle
qu'un doux balancement
imprime dans l'espace
aux hanches féminines.
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