Ouf, le premier tour est passé. Plus qu’un.
Mais pourquoi suis-je autant concerné ?
Peut-être parce que j’ai l’impression de participer à une série télévisée, où
j’envoie 1 par SMS pour Emmanuel, ou 2 pour Marine? Quoi qu’il en soit, les
acteurs de la saison précédente ont dû faire chuter l’audience, on n’en garde
pas un seul !
Bref, je suis ravi d’en avoir fini avec la
première vague, et notamment la BBVC, cette belle brochette de vieux croûtons
rabougris, europhobes et peau-de chagrin qui donnait l’impression que les
nouvelles idées devaient éclore dans les maisons de retraite. Ravi aussi de voir que
les vieux partis sont partis, au moins de l’Elysée, à voir pour les législatives.
Mais chaque chose en son temps.
Un petit retour en arrière, j’ai voté utile.
Pas de quoi pavoiser, je ne suis pas fier, mais je le referais le cas échéant.
Je tremblais de voir en face de l’extrême-droite un challenger pour qui
j’aurais été obligé de voter : un beau parleur à la politique eurocide et
aux remèdes économiques pires que le mal ou un pur produit de la droite propre
sur elle, pire que le tombeau des pharisiens : le pourri de l’intérieur se
voit aussi à l’extérieur, c’est-à-dire ici dès le costume.
Au moins, ce dernier a-t-il sans ambiguïté
appelé à voter Macron, contrairement aux atermoiements attristants du hâbleur harangueur
des meetings, incapable de prendre une décision quand la gravité du moment
l’exige ! Et dire que je le trouvais sympathique. En fait, ne jamais
regarder d’émissions sur le quotidien des hommes et des femmes politiques,
c’est inutile et dangereux, souvent trompeur. Seuls les actes comptent. Ou le
manque d’acte. Là, on est gâté.
J’ai un regret pour l’élan donné au début de la
campagne, et qui a fait flop, pschitt, blizzz. Le revenu universel méritait
mieux que ce qu’il est devenu, un RSA plus. C’est une merveilleuse idée, la
seule qui ait vraiment tranché dans le débat, résolument tournée vers l’avenir,
mais certainement trop tôt énoncée, et mal portée, un projet trop novateur,
trop grand pour des épaules fragiles coincées entre France Insoumise et En
marche. Mais, « mark my words » comme on dit outre-Manche, cette idée
reviendra en force quand son temps sera venue.
Revenons au présent. J’ai dû mettre ma
lepenophobie à rude épreuve, moi qui zappais jusqu’à présent à la première
syllabe entendue à la radio, à la première mèche aperçue sur les écrans. J’ai
commencé à doses homéopathiques, mais j’ai quand même faille détruire plusieurs
fois ma radio, ma télé, mon portable.
Et j’en ai encore pour quinze jours (j’espère).
Je suis sidéré. C’est face à Macron que les sondages prévoient son plus mauvais
score, et c’est 36 % ! Quoi, plus d’un français sur trois prêt à voter
pour l’extrême-droite. Si le champion du
centre fait un faux pas, on a du Marine pendant… non, pas 5 ans, mes pauvres
amis… car le sceptre entre les mains, elle va le coller à l’Araldite, et se
tarauder l’arrière-train pour le visser au trône de France. Et quand on voit
ses acolytes, on comprend pour qui le mot sbire a été inventé. J’en tremble.
Elle a pourtant tombé le masque quand son score
stagnait dans les sondages, et ressorti sa vieille soupe sur ses vieux
fourneaux, haine, haine, haine des autres, haine de l’euro, haine de l’Europe,
haine de l’immigration, haine du musulman qui vient manger le pain des français
(manque de chance, il est parti, et c’était le boulanger, merci Fernand
Raynaud). La vieille recette qui désigne toujours un ennemi à la vindicte
populaire, l’écume à la bouche et le verbe ordurier.
Hélas, elle marche, cette recette.
Il ne faut pas se tromper de cible, comme je le
fais d’ailleurs ci-dessus (mais ça fait du bien). Tout ce que j’ai écrit, tout
le monde le rabâche depuis des lustres, en pure perte, la peste brune attire
bientôt 36 % des électeurs contre 18 en 2002. De même que la sortie de crise du
terrorisme doit se traiter à la source, au Moyen-Orient, de même la seule
solution pour enrayer cette montée n’est pas de diaboliser le FN. Pour éviter
qu’une bonne part de l’électorat, ballotée, désabusée, déçue, inaudible, ayant
tenté toutes les options sauf une, décide de se boucher le nez et de plonger
dans le purin en se disant : « Tentons-le, cela ne peut pas être
pire », pour éviter cette tendance profonde, donc, la tâche du nouvel
occupant de l’Elysée sera immense.
Le lit du FN, c’est bien ce mépris affiché des
salariés, des employés, des petites gens ; la montée de l’extrême-droite
se nourrit de ces regards supérieurs condescendants, vers celles et ceux qui
n’ont pas demandé à naître dans un monde où il faut être le meilleur, faire
plus, faire mieux que son voisin, viser sans cesse l’excellence. Non, il doit
être possible de vivre décemment sans se transformer en winner aux dents
longues. L’écart s’est de plus en plus creusé au fil des dernières années, un vrai fossé existe maintenant entre les
gagnants brillants et les perdants amers, alors qu’il faudrait un vaste champ
de vivre ensemble, une pénéplaine accueillante où le haut du pavé côtoierait le
bas du fossé.
Vous verrez que l’on arrivera au vrai revenu
universel, vous verrez qu’un jour, on dira « tout travail mérite salaire,
mais tout salaire ne mérite pas travail ». On en reparlera, je sais, même
mes amis bien de gauche se hérissent à mes propos… Pour la prochaine fois, je
vous demande de réviser l’invention du travail, eh oui, cette notion n'a pas toujours existé.