samedi 22 janvier 2011

Sur le plan social


Je suis entré dans le monde du travail voici 30 ans. Ingénieur par intérêt, manager par nécessité.
Pendant toute cette période, j'ai assisté et participé à mon corps défendant à l'application stricte de la division.
Quel que soit le discours de la classe dirigeante, leur calculatrice ne connaît que cette opération.
Combien voulez-vous gagner plus? Pas de problème. Combien coûte un employé, déjà...attendez une seconde...voilà, il suffit de supprimer X postes.
Cette division est créatrice de dividendes.
Et ceux qui restent travaillent plus pour gagner ... pas plus ... plutôt moins.
Comme les sociétés concurrentes font la même chose, le cercle est sans fin.
Depuis 30 ans, j'ai aussi assisté à l'érosion lente mais continue du pouvoir d'achat des salariés conservés. Ainsi, chose toute récente, les organisations caritatives voient de plus en plus de CDI venir solliciter l'aide alimentaire!


"Les bénéfices de l'entreprise devraient être partagés en trois parts égales entre les actionnaires, les salariés et l'investissement." C'était le voeu de notre président en février 2009.
L'illustration de ce billet montre que nous en sommes bien éloignés. Comme dirait Coluche, tu aurais vu la g... des tiers!
La voracité des actionnaires ne laisse plus que des miettes "sociales" aux salariés, et il faut voir ce qui reste à l'entreprise ! Assurer la pérennité des sociétés n'est pas le but principal de l'actionnariat actif. Acheter, pressurer, revendre. La finance n'a cure de la réalité des femmes et des hommes qui n'ont que leur travail pour "s'investir" dans une entreprise.
On peut vraiment se poser des questions sur ce nouvel ordre économique et financier, inventé, mais plus du tout maîtrisé, par l'espèce humaine. Il est devenu une immense machine à broyer les individus.
Définitivement, l'économique passe avant le social. Le mot social lui-même est devenu péjoratif. Faire du social, etc...
En gros, les employés sont devenus une variable bien pratique du compte d'exploitation d'une société. Qu'ils soient exclus, poussés à la porte (ou même jamais engagés comme nombre de jeunes inutiles) ou qu'ils soient encore employés, mais avec un pouvoir d'achat sans cesse rogné.


Mais qui est capable de changer çà? De compenser l'avidité des puissants, leur désir de jouissance, leur besoin irrépressible d'avoir toujours plus?
La France, et même l'Europe, ont-elles la possibilité d'arrêter cette machine infernale?
Le modèle de société qui mette l'homme en son centre est encore à inventer.

samedi 15 janvier 2011

Dragons

Mon premier cinéma, à 4 ans, c'était Bambi.
Un film très violent, où j'ai pleuré et appris à détester les chasseurs.
Mais depuis, j'ai le virus des dessins animés. j'en vois beaucoup, des plus ou moins bons.
J'ai adoré Dragons. Je l'ai vu deux fois de suite, en VO puis en VF.
La VO reste la référence, Il faut savoir que l'animation des personnages a été modelée sur les voix déjà enregistrées, et pas l'inverse comme d'habitude. Un superbe résultat !
Au départ, c'est une histoire somme toute classique, avec un conflit entre humains et dragons voleurs de bétail et cracheurs de feu (animations superbes). Un jeune viking différent des autres se sent rejeté, son père le chef du village est déçu. On retrouve aussi classiquement la bande d'amis très "échantillon représentatif" et l'inévitable" jeune fille qui n'a pas froid aux yeux, et qui tombera à la fin du film dans les bras du héros".
Alors pourquoi ce plaisir si vif procuré par Dragons?
La première force du film, c'est la finesse de l'humour de Harold, le jeune héros. J'ai rarement vu une telle recherche, et un tel résultat. On fond littéralement devant ses bravades (la vikingitude qui est en moi !), on est écroulé par son attitude faussement détachée devant ses amis quand il terrasse les dragons grâce à ses astuces.
D'un côté, un village de vikings costauds qui ne connaissent pas la peur, de l'autre un héros peu musclé qui va utiliser son astuce et se lier d'amitié avec un dragon volant... vous ne trouvez pas que l'on est face à un mélange de Harry Potter et d'Astérix? On peut trouver pire.
Ensuite, justement, cette amitié magnifique et émouvante entre le dragon dangereux, inconnu, et Harold. On retrouve souvent cette amitié dans d'autres films, Buddy et Buzz de Toy Story, Là-Haut, l'Âge de Glace, etc... On ne s'en lasse pas, elle tient chaud au coeur. Cette amitié fait appel à des sentiments élevés, la découverte de l'autre, l'acceptation de la différence, la confiance partagée,... bref tout ce que j'aime, à l'opposé des valeurs prônées par les partis d'extrême-droite qui font parler d'eux en ce moment.
Et enfin, la merveille de ce film, c'est Toothless, la Furie Nocturne. (Crokmou en français n'est pas des plus heureux). Combien d'heures à tourner en rond, de nuits sans sommeil, les concepteurs de Dragons ont-ils dû passer pour imaginer ce superbe animal aux armes terribles, mais que l'on doit aussi aimer? L'idée géniale est d'avoir intégré une part de "félinitude"dans ce qui est d'habitude un reptile volant. Ses yeux de Bagheera qui s'arrondissent de joie ou de surprise deviennent redoutables dès qu'ils se fendent. Ses oreilles se dressent et se couchent au rythme des sentiments. Dreamworks a bien fait de ne pas le faire parler, le langage du corps est bien plus fort. Ses mimiques pour forcer Harold à manger du poisson cru sont un miracle du genre. J'adore aussi quand Toothless se tasse pour se cacher derrière un rocher, ou replie sa queue pour dormir. J'ai un chat et je retrouve transposées ici toutes ses attitudes, drôles et toujours élégantes.
L'histoire elle-même, qui débute sur un superbe combat nocturne, est racontée sur un rythme qui ne laisse jamais le spectateur au repos, un vrai thriller, dense et qui finit bien... bref un excellent spectacle familial ! Le seul problème , c'est lorsque le petit dernier demandera pour son anniversaire un dragon noir comme animal de compagnie.

mardi 11 janvier 2011

Demain


"Quel con, non mais quel con!
J'avais enfin l'occasion de l'embrasser, et visiblement elle ne demandait que çà.
Tiens, je me filerais des baffes.
Et avec çà, je viens juste de louper mon bus. J'ai plus qu'à attendre le suivant, je vais encore me faire engueuler par maman.
Qu'est-ce qu'elle était belle aujourd'hui, Léa. Je sais pas si elle va remettre cette robe bleue demain, les filles c'est toujours compliqué avec les vêtements.
Oh, c'est pas grave, même avec d'autres habits, elle sera quand même bien.
Surtout si elle me sourit comme aujourd'hui.
Moi, c'est sûr je vais m'habiller pareil, çà va me porter chance.
Attends un peu, demain elle a espagnol seconde langue (ah, ah, langue) donc elle commence à 9 heures.
je pourrai la voir qu'à la pause de 10 heures, et encore, si cette andouille de Rigot les laisse sortir à l'heure.
Bon sang, et en plus, il faut pas qu'elle soit avec Chloé, sinon c'est foutu. Chloé, quel pot d'colle.
Ah la la c'est pas gagné, n'empêche que celle-là elle vaut le coup. Je crois que j'vais m'accrocher.
Qu'est ce que j'ai été déb' aujourd'hui. Mais aussi, pourquoi est-ce qu'elle a choisi pile le moment où Xavier me rendait ma Wii ?
Il faut que j'explique demain à Xavier qu'il doit juste me lâcher.
Pff, vivement demain. Mais qu'est-ce qu'il fout, ce bus?

Tiens, ben dis-donc, qu'est-ce qu'elle fonce cette voiture. Mais.....attention, elle va me....."

Voilà, c'était très dur d'écrire ce petit billet. Pourquoi alors? Pour partager, j'ai l'impression que ce sera moins lourd à plusieurs. Ce "fait divers" m'a bouleversé. Un adolescent de 13 ans, une vie pleine de rêves, de possibles, fauchée net par un chauffard à un arrêt de bus scolaire. Rien ne peut le justifier, rien ne peut l'édulcorer.

mercredi 5 janvier 2011

Moi je veux vivre


"Moi je veux vivre, vivre , moi je veux vivre encore plus fort"
Les paroles d'Indochine me plongent parfois dans une grande perplexité, mais il faut reconnaître qu'elle collent parfaitement à leur temps et à leur public.
Ce leitmotiv en particulier, scandé comme un manifeste, me plaît infiniment.
On est loin des hindouisteries des Beatles, entourant leur gourou en robe orange et psalmodiant Hare Krishna après Halleluyah.
Pour répondre à la question "Comment être heureux dans la vie?", il vaut mieux être éternel adolescent que croyant ou philosophe.
La réponse des religions, c'est toujours le renoncement aux plaisirs, pendant le "passage" sur cette terre, pour s'assurer le bonheur éternel dans l'au-delà.
La réponse des philosophes est très proche, si ce n'est que l'au-delà est optionnel. "Le plaisir véritable est le mépris des plaisirs"dit Sénèque, etc...
Ah, on se demande si c'est vraiment la peine de passer trente années en ermite, d'errer toute une vie dans les déserts de la méditation pour en arriver à ces préceptes: "Pour ne pas souffrir dans ce monde, il ne faut rien vouloir, ne rien désirer, de peur de s'attacher, de devenir l'esclave de ses sens et de ses sentiments".
La politique des 3 singes. Ne rien voir, ne rien entendre, ne rien dire. Alors c'est sûr, on ne risque pas grand chose. Ni dans un sens, ni dans l'autre. On traverse sa vie engoncé dans son corps, spectateur indifférent bien calé dans ses rails.
Mais je ne suis pas d'accord, je revendique le droit de tout voir, de tout écouter, de tout dire, de désirer, d'avoir envie, de me saturer d'émotions. Avec le risque de souffrir, oui, d'avoir des regrets, des remords, des vides à pleurer, des failles jamais cicatrisées. Mais, sinon, quoi? L'eau tiède à volonté? Je préfère me brûler, puis hurler dans l'eau glacée. Vivre encore plus fort, se prendre de grandes claques, se trouver même brisé, mais avec la fierté d'avoir tout essayé, d'avoir emprunté des voies inexplorées, d'avoir réussi parfois. Même l'échec et la déchéance sont mille fois plus respectables que la mesure, la froideur et, pire que tout, le mépris de la vie dans ce monde, avec ses odeurs et ses puanteurs, ses extravagances et ses injustices, ses Mozart et ses Milosevic.
C'est maintenant ou jamais. le passé n'existe plus, l'avenir n'existe pas. Les dieux n'ont rien à voir avec nous, s'ils existent, et la mort ne nous regarde pas, puisque, quand elle est là, nous n'y sommes plus.
Non, nous sommes seuls dans notre chemise, avec notre existence. Ici et maintenant. Ni humbles, ni orgueilleux. C'est notre dignité.
Si le hasard nous a placés sur cette petite planète, sans Eden et sans Enfer, il est temps de songer à vivre à fond, sous haute tension.
Quand nous nous endormirons pour l'éternité, il sera bien temps de se reposer.

mardi 4 janvier 2011

Cornouailles



L'été dernier, j'ai eu la chance de naviguer sur un voilier pendant trois semaines. Cabotage le long de la côte sud de l'Angleterre, Cornouailles et Devon.
Ne nous méprenons pas sur le mot "sud". Fortement évocateur, il devient, comme souvent chez nos voisins d'outre-channel, un vrai faux-ami.
C'est ce que m'a confirmé mon médecin en me prescrivant récemment des doses de vitamine D.
Alors pourquoi la chance?
Parce que, au-delà d'une belle histoire d'amitié, quelques heures de navigation depuis la riante Bretagne nous font basculer dans un monde totalement différent de celui auquel l'esprit français nous a habitués.
Le premier choc, en découvrant la terre anglaise (une fois la brume levée), c'est l'accueil. Le "harbour master", impeccablement sanglé dans son costume avec cravate et casquette, tourne fièrement autour de notre voilier, et nous parle en français.
Nous sommes dirigés vers un espace libre à quai, et la découverte continue une fois les amarres tournées. Tous les havres, tous les ports, toutes les rivières remontées vont conforter notre première impression : nous sommes dans une communauté de la mer. Rivière de Fowey par exemple: des mastards torse nu se font hurler dessus pour tirer encore et encore sur des rames rétives, dans l'espoir fou de vaincre l'équipe du port voisin.. Des toutes jeunes blondinettes pas frileuses font des ronds dans l'eau en Optimist autour des chaînes ancrant un bâtiment de guerre de sa gracieuse Majesté. Les yachts les plus luxueux côtoient les gloutes les plus misérables, et leurs propriétaires respectifs se saluent avec le même flegme. Pas de vols sur les marinas ouvertes à tous, et d'excellents plats tout préparés sont le repos et le régal du marin.
On se sent bien, avec un petit pull. On a l'impression que ces sud-anglais font partie d'une communauté. Quelle que soit leur vie, leurs origines, leur trajectoire, on sent qu'ils ont été élevés sur un socle commun.
Opinion toute personnelle, certainement balayée par le premier érudit venu: la culture anglaise est une culture de marins, îlienne de surcroît. Le sentiment d'appartenance est fort, comme sur un voilier la notion d'équipage.
En comparaison, la culture française s'est nourrie aux mamelles du labourage et du pâturage. Et le sentiment paysan n'a jamais été très communautaire. Le mot "partageux" a même été choisi comme insulte.
J'ai bien peur que l'on me taxe de francophobie forcenée à lire ces lignes. Loin de moi pareille pensée, précisé-je derechef. Mais il faut bien reconnaître que nous avons toujours du mal à regarder au-delà de nos frontières pour voir si, par hasard, des étrangers auraient pu trouver des réponses meilleures ou au moins différentes à des questions communes....Bien improbable, me direz-vous, alors que nous avons l'ENA et le concours Lépine... Je suis bien d'accord avec vous. J'aurais juste envie de donner un peu à penser à ces dirigeants sûrs d'eux-mêmes et de l'infaillibilité de leurs choix....
Mais j'ai bien peur que l'idée qui émerge soit de transformer la France en île ou de faire un grand mur tout autour... pas une bonne idée!