mardi 26 juillet 2016

J'ai tellement peur que mon humanité se soit perdue




J'ai tellement honte: je suis complètement remué, jusqu'aux larmes, par la campagne de 30 millions d'amis contre l'abandon des animaux de compagnie.
Pour un chien!
J'avais déjà été heurté par l'affiche du chien aux yeux tristes, et son accroche que j'ai imitée en titre: "j'ai tellement peur que mon maître se soit perdu".
Mais la petite vidéo associée est encore plus poignante--> "à quoi pense un animal abandonné?"
Après ce choc, de nombreux sentiments et quelques réflexions viennent s'emmêler dans ma tête.

Tout de suite, je me demande si j'ai au moins gardé le même niveau d'empathie avec les humains!
Depuis tout jeune, depuis les premières images du Biafra affamé, j'ai assisté à tant de désastres mis en spectacle par les journaux TV du soir, guerres, génocides, tortures, famines, inondations, séismes, ... Et j'ai reçu année après année tous ces chocs, avec toujours le même sentiment d'impuissance. Ma sensibilité n'aurait-elle pas été émoussée par la répétition? Un peu comme l'oreille d'un travailleur rendue sourde aux sons qui régnaient en continu dans son atelier.
Heureusement, je ne crois pas avoir durci mon épiderme.
Et puis, un animal de compagnie (surtout le chien, mais ce n'est pas le seul), c'est d'abord la présence de l'absolu à côté de soi. Un amour absolu pour son maître ou sa maîtresse, sans un nuage, sans une ombre, sans une demi-mesure. Une fidélité totale, à toute épreuve. Quand bien même la société, la famille proche, la propre mère de son maître le renierait, il serait là, entier, fidèle, pur, innocent... et totalement confiant. Il le regarderait comme au premier jour, avec les yeux de Chimène. Cet amour et cette fidélité absolus, c'est un joyau que l'humanité a mis des centaines de milliers d'années à façonner et tailler, pour trouver naturel et normal qu'il brille maintenant en permanence à ses côtés.

Comment ne pas considérer l'abandon de cet animal à la hauteur de l'amour et de la confiance qu'il met en nous? C'est une trahison, une félonie, un crime contre la nature. Un crime contre nous-mêmes aussi, car l'humanité fait partie de la nature! Rien de plus normal que d'être révulsé par ces actes qui rabaissent l'homme qui les commet... bien plus bas que les animaux.
Bon, du calme. En réfléchissant, c'est peut-être la qualité de la campagne de publicité qui a déclenché ces sentiments chez moi, peut-être faut-il tout simplement aller voir du côté du branchement de mon cerveau. Cette campagne aurait ainsi trouvé comment atteindre en direct une zone intime, le siège secret de mes réactions émotionnelles.
Oui, probablement, on ne peut nier la puissance de la communication. Telle la photo de la jeune vietnamienne brûlée par le napalm des hélicos qui avait pu retourner l'opinion du peuple américain.
Mais c'est à nuancer ici. Pour trouver la zone réactive, il faut bien que celle-ci existe. La même équipe de pub peut se sublimer et sortir la plus belle campagne pour promouvoir la vague bleue Marine, celle-ci passera entre mes oreilles sans toucher un seul neurone, sinon celui du dégoût.
Bref, tout bien réfléchi, je n'ai plus honte d'avoir eu une telle réaction.



















vendredi 15 juillet 2016

Ephémère


On attribue à André Malraux la prophétie "Le XXIème siècle sera religieux ou ne sera pas". L'actualité quasi quotidienne nous fait regretter qu'il ait raison.
Et c'est toujours en brandissant comme un oriflamme une foi inébranlable que tant de villes et de villages sont détruits rageusement, tant de vies sont fauchées aveuglément, tant d'innocents sont ensanglantés férocement.
Pourquoi ce message sur ce blog, un de plus sur ce sujet? Parce que j'ai réfléchi à ma position vis-à-vis des religions, et, à bien regarder le vocabulaire disponible, je ne me retrouve pas dans le seul substantif censé me caractériser: athée. Ce qui veut dire précisément "sans dieu". En fait, tout le poids lexicographique me renvoie à une carence. Je suis incroyant, je suis mécréant, je suis (chien d')infidèle, je suis sans religion. Vous avez remarqué? Avec toujours un préfixe privatif; je suis en manque, en négatif, en déduction, en moins, en écart; quelque part dans ma tête, un morceau du puzzle humain fait défaut.
Je n'ai pourtant pas cette impression. Alors, je me suis mis à la recherche d'un nouveau vocable, pour mieux cerner ma situation. 

Je vais tout de suite évacuer "agnostique". Littéralement "ne sait pas", toujours la dernière case cochée dans n'importe quel sondage, quand on ne veut pas se mouiller. Du genre: "Je ne suis pas sûr de choisir la bonne religion, je ne l'ai pas encore trouvée, mais soyez rassurés, je cherche, je cherche,... j'avais presque trouvé avec le bouddhisme, mais la métempsycose me posait un problème: je ne voudrais pas me retrouver dans une autre vie mouton pour l'abattoir ou chien aimant qu'on abandonne. Alors je cherche encore...."
Non, non, moi je ne cherche plus, du moins rien de surnaturel.
On peut trouver aussi dans la littérature "libre penseur". Bon, c'est déjà mieux. Il s'agit d'un vocable plus ouvert. Cette libre pensée permet de réfléchir, de prendre du recul, et de constater que les choix (religieux, philosophiques,...) sont multiples, et qu'aucun ne pourra jamais être démontré (sinon, lui seul existerait). Dans ce sens, on est en effet libre de penser. Mais en fait, à force de penser, il faut bien se décider! Moi, j'ai choisi. J'ai la plus profonde conviction que tout ce qu'il y a est naturel, que la mort va de pair avec la vie, et qu'elle en est la fin définitive. J'éclaire mon chemin dans cette vie à la lumière de grands phares, les présocratiques d'abord, puis Epicure et son chantre Lucrèce, enfin Montaigne, compagnon incomparable. Et Marcel Conche, 96 ans aujourd'hui, porte droit le flambeau et m'indique au passage les joyaux de nos anciens à ne pas manquer. 

On trouve également "esprit fort". Tu parles. Est-ce à comparer aux esprits faibles qui auraient choisi la religion? Ce n'est pas aimable, et je ne vois pas pourquoi. Chacun fait son choix, aucun n'est meilleur que celui de son voisin. Ceci, bien sûr, tant que la morale associée permet de vivre ensemble en bonne entente.
A
lors, j'ai cherché un moment, avec comme guides la beauté, la poésie que dégagerait le nom choisi. De plus, je voulais un nom aux racines grecques, doux à l'oreille comme le miel. J'ai regardé du côté de la vérité, aléteia, mais ce n'était pas un franc succès, d'abord je ne suis pas sûr de détenir la vérité, et en plus le nom commençait par un a, rappelant le préfixe privatif.

Et j'ai trouvé! "Ephémère". Qui vient de "epi - héméra" littéralement "à propos d'un jour". En fait qui dure une journée, comme certains papillons diaphanes. On retrouve aussi cette racine dans éphémérides, au jour le jour. Quel joli mot, quelle belle évocation de la fragilité, de la fugacité, de la beauté aussi de notre vie, "Mignonne, allons voir si la rose..." Vous allez me dire que l'on dure quand même plus qu'une journée, c'est vrai, mais que représente notre vie comparée à celle de la terre, à celle de la Nature? Un éclair timide dans une nuit éternelle. Il faut citer Homère : "Telles les générations des feuilles, telles aussi celles des hommes."
 
Je ne suis pas pessimiste, juste réaliste, alors, pas de temps à perdre: éphémère mais ressentant, éphémère mais dans le présent, éphémère mais bien vivant. Je suis éphémère, c'est vrai, il faut se faire à cette idée; mais il restera quelque chose de mon passage sur terre: le fait que j'aie vécu! C'est une vérité, et ce sera toujours vrai pour l'éternité. Réfléchissez-y, c'est un beau réconfort. 
Et les non-éphémères, alors, quel nom leur donner? Immortels, transmortels, persistants, perdurants, surnaturels, animés, inspirés, transcendants, croyants, élus, etc...qu'ils choisissent ce qui leur convient le mieux, Mais c'est moins joli.