vendredi 18 novembre 2011

Processus vital


Chère lectrice, cher lecteur (je pense que le pluriel est encore un peu ambitieux pour ce blog), le XXIème siècle commence très fort .
J'en veux pour preuve la vitalité linguistique de nos reporters radiophoniques.
Prenons une phrase entendue au hasard des flashs de France-Info : "Le processus vital de la quinquagénaire n'est plus engagé."
Voilà un beau concentré idiomatique de l'homo journalistus. Mais qu'est-ce que cela veut dire?
Je vais tenter ici une analyse grammaticale et syntaxique qui nous rappellera les meilleures heures des cours de français au collège.
Prenons d'abord quinquagénaire. Personne entre 50 et 59 ans. A chaque fois que j'entends ce vocable, ma première réaction est de me dire "en effet, il (ou elle) est déjà bien avancé(e) en âge". Avant de me rendre compte que, moi aussi, je suis à classer dans cette catégorie. Alors je m'insurge. Quinquagénaire, c'est un mot horrible, insupportable. Il commence comme quinquaillerie ou quinquina, continue comme "Y a pas d'gêne, Eugène" et se termine comme "Viens faire un bisou à ta mèmère". Il sent déjà le muscat du dimanche et l'horloge au salon (tic-tac). Il donne envie de prendre une réservation au colombarium. Alors,stop, basta, fini, plus de quinqua, SVP !
Analysons maintenant "Le processus vital est (ou n'est pas, ou n'est plus) engagé".
Je suis persuadé que c'est le résultat d'un pari stupide entre internes d'un service d'urgences médicales: "Je te parie que je dis n'importe quoi au premier scribouillard qui déboule et qu'il le recopiera in extenso dans sa feuille de chou."! On imagine la fin exténuée d'une longue période de veille, quand les odeurs de café, de sueur et d'hémoglobine se mélangent dans le petit matin embrumé. Mais ce n'est pas une excuse. Et le succès a dépassé toutes leurs espérances!
Un processus vital, on peut l'imaginer. Par exemple d'une manière basique, dans son ensemble. Le processus de la vie, c'est celui qui part de la fécondation et mène à l'être constitué, végétal, animal ou humain, que ce soit la marguerite, le marcassin ou même la Marine (j'ai un doute sur le dernier exemple).
Bon, pour en terminer avec l'analyse du texte, prenons le mot "engagé". En langage universel automobilistique, nous comprenons tous ce que veut dire engager: on engage une vitesse, on s'engage sur une voie. On peut aussi engager un collaborateur, un nouvel entraîneur, s'engager dans la légion (se rengager même, qu'y disaient), engager la conversation, ce qui n'engage à rien, surtout avec un air engageant. Bref, c'est plutôt entamer quelque chose.
Alors que veut dire "engager un processus vital"? En étant logique, on pourrait imaginer qu'il s'agit de l'étape initiale de la fécondation, vous savez, ce miracle de la création dont le succès se concrétise en méïoses, mitoses et autres boutons d'acné (en raccourci). On pourrait ainsi comprendre que "Le processus vital de la quinquagénaire n'est plus engagé." signifie que cette dame ne va plus procréer, ce qui somme toute est naturel, mais ne nécessite pas forcément la publicité plumitive des envoyés spéciaux.
Eh bien pas du tout! Engager un processus vital, c'est s'engager dans le chemin qui mène au repos éternel, c'est préparer le départ ultime sous le couchant brumeux dont parle l'Iliade. Alors, ne pas s'engager à la légère! Heureusement le processus est réversible, il est possible de faire le chemin à l'envers, ouf pour la femme d'un certain âge.
Décidément, les processus ont le vent en poupe, comme le montrent quelques exemples:
le processus vertueux de nettoyage économique, qui a commencé en Europe du Sud (nous aurons bientôt la chance de le voir débarquer chez nous....),
le processus vertueux de réarmement moral des élites politiques (à réactiver régulièrement),
le processus adaptatif mis au point par Coluche: "dites-moi ce dont vous avez besoin, je vous expliquerai comment vous en passer.",
mais le roi des processus, c'est le processus stochastique " qui permet de modéliser des systèmes dont le comportement n'est que partiellement prévisible" Un avenir colossal!
Vivement que le processus d'utilisation de ce processus soit engagé.

vendredi 4 novembre 2011

Tu aimeras ton prochain comme toi-même

Je suis toujours profondément ému par l'architecture sacrée de nos contrées, cathédrales  églises, abbayes, chapelles, cryptes... Romanes dépouillées ou gothiques flamboyantes, elles mettent à chaque fois mon coeur au bord des lèvres. Je suis prêt à parcourir des centaines de kilomètres pour quelques minutes de méditation à Vézelay, Conques ou Albi.
Mais je n'hésiterais pas une seconde à les rayer de la surface du globe, ainsi que tous les temples, tous les splendides édifices religieux de ce monde, si j'étais sûr qu'avec eux disparaissait aussi l'intolérance religieuse.
Aujourd'hui, la main intégriste s'apprête à enserrer le cou des vainqueurs du printemps arabe pendant que des murs se hérissent à Jérusalem, que se proclamer copte, sunnite, chiite, israélite, etc. suffit pour devenir une cible mortelle, et que des livres sacrés sont brûlés sur la place publique. Faudra-t-il boire ce calice de fiel jusqu'à la fin de l'humanité?
Croyant, fidèle, tout le monde peut croire. Oui, "croire", c'est bien le mot, mais pas "savoir". Personne ne saura jamais ce que veut dire la mort et ce qu'il y a derrière. Il n'y aura jamais de démonstration définitive, jamais.
Alors pourquoi être si sûr de soi, pourquoi ne pas accepter la différence, pourquoi tant d'orgueil et de haine, pourquoi vouloir autant faire le bonheur des autres malgré eux ? Etre croyant est-ce surtout ne pas supporter que d'autres aient une autre croyance?
Pourquoi s'entretuer à ce point ? Pour le pouvoir, les richesses? Pour la nourriture, l'eau? Non, pour des idées! Des rivières de vrai sang rouge coulent pour quelques gouttes de salive d'orateurs fanatiques. Baal n'est pas mort, le dieu assoiffé de victimes humaines rit toujours de plus belle, avec la Peur et l'Ignorance prospérant à ses côtés.

Pour ma part, je cherche ma vérité, j'arpente mon propre chemin. Je n'ai pas fait le choix transcendantal du Verbe, mais c'est une démarche personnelle. La réflexion philosophique me convient mieux, la lecture de Montaigne ou d'Epicure.  Avant tout, je respecte les autres choix, religieux ou non. D'ailleurs, si vous m'avez suivi, je dois convenir que je ne sais pas si mon choix est le bon! Mais c'est le mien.

Pitié pour les incroyants (ceux qui sont dans les ténèbres), les faux croyants (ceux qui ne croient pas comme il faut), et les vrais croyants (ceux qui recherchent les deux premières catégories pour leur faire radicalement comprendre qu'ils ont tort).