lundi 8 octobre 2012

Annus horribilis

Janvier, je n'aime pas trop. Déjà les bulles s'évaporent et laissent le blues se déposer. Ce mois est celui des bonnes résolutions, des douces illusions. L'année débute à peine, comme une neige fraîche que l'on n'a pas encore foulée. Alors on peut s'imaginer n'y laisser que des traces légères, des empreintes parfaites et ondoyantes créées par une trajectoire maîtrisée. Mais je sais bien que, patatras, ce sera très vite un gros pâté, de vilains cratères pires que ceux imprimés par un yéti enivré.
Février, je n'aime pas trop. Déjà, il faut se décider, ski ou pas ski, ou alors ailleurs, mais alors où? D'accord, le froid, c'est assez sympa, l'occasion toute trouvée pour entamer la conversation avec la quasi totalité de mes interlocuteurs (qui se disent certainement la même chose à mon encontre). Oui, mais je n'ai pas de pneus contact à ma Twingo, et je valse plus souvent qu'à mon tour sur les pistes givrées que la DDE délaisse.
Mars, je n'aime pas trop. Déjà, le nom du dieu de la Guerre, on pourrait se méfier. C'est en effet l'arrivée des envahisseurs saisonniers, pollens d'arbre et autres rhinito-irrito-gènes, qui font s'envoler mon budget mouchoirs en papier et baisser mon acuité visuelle, la sécrétion lacrymale inondant mes verres de lunettes de l'intérieur alors que les giboulées s'occupent de l'extérieur.
Avril, je n'aime pas trop. Déjà expliqué par Souchon et Voulzy. J'ajouterai que c'est aussi le moment de se rendre compte que l'on a encore rien fait de son année, et que, bon sang, si on ne réagit pas, on va se retrouver dans la même situation que les années précédentes.
Mai, je n'aime pas du tout. Déjà, la nature exulte dans sa prime jeunesse. L'air est vif et piquant au matin frais, les forêts inventent des verts tendres et  des bleus ombreux... C'est insupportable. Même si j'hibernais entre septembre et mai, je ne reviendrais jamais comme une fleur de saison, Et c'est toujours plus douloureusement qu'à chaque nouveau printemps je sens le pas du temps qui s'enfuit, après m'avoir encore marché dessus.
Juin, je n'aime pas trop. (Attention phrase compliquée). Déjà, il commence à faire chaud dans la chambre, et moi qui n'aime rien tant que de me glisser voluptueusement sous la couette, je me retrouve avec des draps, ces bouts de tissu animés d'animosité envers ma personne, et qui sont toujours trop courts de mon côté. Alors que je fais moi-même le lit!
Juillet, je n'aime pas trop. Pffff, déjà la moitié de l'année pliée, et je me trompe encore d'année en écrivant la date. Juillet, c'est un faux mois de vacances. Si on reste, on trouve qu'il y a encore trop de monde à Paris, et on se retrouve,  téméraire et puni, proprement scotché dans des bouchons caniculaires. Si on part, on a l'impression de participer à une répétition générale, et de revenir juste quand le spectacle va commencer.
Août, je n'aime pas trop. Déjà, les vacances arrivent sur l'échelle du stress juste après le divorce, mais avant la venue de la belle-mère. C'est dire. Alors, il faut sacrifier au rituel, commencer à regarder tous les jours l'image météo du lieu amoureusement choisi 9 mois à l'avance, avec l'angoisse du futur père regardant un instantané échographique. La météo, qui m'indiffère pendant 11 mois sur 12, devient tout d'un coup le baromètre unique de mon humeur. C'est pour cela que je vais en Bretagne, je n'ai que des bonnes surprises.
Septembre, je n'aime pas trop. Déjà un mois en "bre" et je n'aime pas les huîtres. Et puis, un mois qui commence par "sept" alors que c'est le neuvième de l'année, c'est comme une écumoire sans trou, c'est louche. Et on parle partout de rentrée, alors que j'ai l'impression de ne jamais être entré.

Octobre, je n'aime pas trop. Déjà en temps normal, j'ai du mal à avoir une tenue irréprochable, enfin, disons à m'en rapprocher... Mais avec le vent virevoltant et les ondées horizontales, me coiffer devient illusoire, et en plus, ma cravate et mon écharpe s'emmêlent tout le temps. Et comme si cela ne suffisait pas, le troisième dimanche dure 25 heures, la nuit arrive plus vite, mon chat demande son mou une heure plus tôt, je suis tout perturbé.
Novembre, je n'aime pas trop. Déjà, on débute par une odeur de chrysanthèmes et des sonneries aux morts, on a trouvé plus gai. Et puis, c'est le mois où il faut une lumière à son vélo. Je pars au boulot quand le jour n'est pas encore levé, alors que je rentre le soir à la nuit déjà tombée. Et si, entre deux, de bons gros nuages couleur télé mal réglée occupent le ciel parisien, la journée fait penser à Johnny. Noir, c'est noir, je ne trouve pas la poire. Et comme si cela ne suffisait pas, le troisième jeudi voit arriver des tonnes laides de tonnelets de Beaujolais nouvelet pour asiatiques babas et parisiens bobos.
Décembre, je n'aime pas du tout. Déjà me revient la nostalgie, l'odeur des bougies, les chants de l'Avent, la crèche le soir avec mes frères et ma mère. Et puis c'est le mois du rouleau-compresseur festivo-hivernal, je dirais plutôt  hâtivo-infernal. On a beau le savoir, on glisse dès le début du mois sur un toboggan de courses, de préparatifs, de mises au point d'un planning serré entre parents, grands-parents, beaux-parents, séparés ou non. Les petits bout'choux ont jusqu'à 4 "Noëls" consécutifs, l'important c'est de tout caser avant le réveillon du nouvel an, où on arrive harassé, avec parfois même plus
envie de boire du champagne. C'est dire!
Ouf, vivement l'année prochaine
!