samedi 3 décembre 2011

Bon choix Madame, bon choix Monsieur


Je vous parle d'un temps que les moins de vingt ans (et même les moins de quarante ans) ne peuvent pas connaître...L'époque où le prix de la baguette passait scandaleusement de 41 à 44 centimes (de franc).
La baguette n'était d'ailleurs pas mon centre d'intérêt principal, son achat était vite expédié. Je me concentrai plutôt sur les roudoudous et autres mistrals gagnants que j'achetais avec la monnaie.
En passant, ceci me permettait d'aller voir, un peu plus tard, le dentiste installé à côté de la boulangerie. Ah, tout tournait rond dans le petit monde de la France des années 60.
Maintenant, acheter du pain relève du parcours du combattant, et ce n'est pas l'arrivée des fêtes qui va nous faciliter la tâche.
Si vous arrivez chez le boulanger avec une vague consigne du genre "prends du pain en passant", attendez-vous à la honte de votre vie...Première étape: "baguette, baguette... êtes-vous sûr? Baguette, baguettine, pain long, pain court, boule, flûte, épi, fougasse, badine, pistolet ?". Vient ensuite le contenu: "seigle, froment, épeautre, maïs, millet, avoine, six céréales ?", et les options " sésame ou pavot, noix ou figues, bio ou pas bio, bis ou pas bis, campagne ou classique, complet ou pas complet, avec ou sans levain, tranché ou pas tranché, à l'ancienne (j'imagine le boulanger se levant à 3h30 pour enfourner ses pâtons dans un nuage de farine) ou pas à l'ancienne? ". Je ne vous parle pas des pains de mie, avec ou sans croûte...C'est le miracle permanent de la multiplication des pains.
Bref, je me retrouve souvent sur le trottoir sans rien sous le bras. Et comme je n'ai pas non plus de béret, un touriste qui passe ne me prend même pas pour un français.
Alors, à la maison, on ne mange plus de pain!
C'est somme toute une bonne technique pour faire faire des économies. La profusion du choix bloque le processus de décision (tiens, un autre processus).
Et c'est vrai partout.
Exemple: Je viens bêtement de faire chou blanc. J'avais benoîtement ajouté "ampoule électrique" dans ma liste de courses ce midi. Oh le naïf! Mais, mon pauvre ami, il faut savoir maintenant que c'est beaucoup plus facile d'organiser sur Internet son séjour de vacances auprès des derniers aborigènes anthropophages de Bornéo que de choisir une lampe qui ira à la place de celle qui vient de claquer chez vous. Entre les culots à petite ou grosse vis, à grosses ou petites pinoches, à demi ou quart de tour, les fluos semi-enroulés, les watts qui font la culbute, les étiquettes vertes pour des spots multicolores et les LED dont la durée de vie dépasse largement la vôtre (c'est vexant), on se retrouve finalement à acheter un lot de bougies et des allumettes. A force, Flamanville va redevenir rapidement un petit port de pêche.
Comment être à l'abri de cette folie multiplicatrice? La guerre du choix fait rage dans l'audio-visuel, les téléphones, les lessives, les doses de café avec la machine qui va bien, et même au niveau des sous-vêtements pour homme. Entre boxer, caleçon court ou long, string, minislip, coton, stretch, lin naturel en provenance de forêts primaires (je mélange un peu), acheter un slip est devenu désormais un acte structurant, révélateur de votre philosophie de la vie, un acte militant, un choix qui vous détermine, un signe envoyé à tout votre entourage pour proclamer votre vrai moi (l'habit fait le moi).
Tout est atteint! Tout? Non, de petits secteurs résistent encore et toujours à l'envahisseur marketeux. Mais pour combien de temps? Je me suis récemment réveillé d'un cauchemar avant d'avoir fini de répondre à un questionnaire. C'était "choix de votre futur enfant". Simple, il suffisait de cocher des cases. Garçon ou fille, grand ou moyen, blond ou brun, yeux clairs ou sombres, ronds ou en amande, teint mat ou clair, morphologie en rondeur ou en angles, joues normandes ou pommettes saillantes, (...), extra ou introverti, avenant ou réservé, zen ou avec du caractère, QI au-dessus de 120 ou en-dessous de 70, durée de vie inférieure ou supérieure à un siècle, etc... Ce qui m'a réveillé, c'est une erreur (horreur) dans le questionnaire: "votera pour le FN ou pour le NPA". Pas encore au point, ouf!