jeudi 9 novembre 2017

De profundis animalis


« La sixième extinction de masse des animaux s’accélère de manière dramatique » Le Monde du 10 juillet 2017.
Je n’ai pas de mots assez forts pour clamer mon désarroi, mon désespoir, mon impuissance.
Lors du prochain Déluge, le futur Noé n’aura pas à construire une arche bien grande, il lui suffira d’aller à la ferme voisine pour faire tenir sur une barque tout ce qui restera du règne animal terrestre.
De même, l’Imagier du Père Castor n’offrira bientôt plus que quelques pages à tourner pour les futurs jeunes humains. Il s’appellera d’ailleurs plutôt l’Imagier du Père Bélier, ou Taureau, ou Lapin, quand le dernier castor sera empaillé.
Bon sang, vous sont-elles parvenues aux oreilles, les dernières nouvelles des autres habitants de la planète?
Mais non, nous sommes saturés par le bruit des explosions continues de la haine entre humains, submergés par les flots de sang vermeil offerts à des dieux hypothétiques, éclaboussés par l’avidité maladive qui infecte tout ce que l’homme touche.
Dans ce quotidien anthropocentrique, entièrement façonné par et pour l’homme, qui entend, qui se soucie du bruit de fond des animaux sauvages qui se meurent ?
Que va-t-on dire à nos petits-enfants ? Quelles excuses produire quand nous aurons annihilé ce que la Nature nous a offert comme «frères et sœurs» au sein de « sœur notre Mère la Terre » (St François d’Assise), ou comme « confrères et compagnons » (Montaigne)?
Franchement, je ne donne pas cher de la peau des descendants de Share Khan, de Bagheera, de Baloo ou d’Akela. Les enfants de Mowgli ont détruit la jungle, la forêt, la savane, pour s'y installer et planter de quoi nourrir leurs veaux, vaches, cochons et couvées...
Bien sûr, nous ne croisons pas tous les jours un jaguar ou un mustang, une mangouste ou une coccinelle (eh oui, les insectes aussi deviennent rares en EU !), mais bien triste sera le jour où seules des automobiles porteront leur nom.
On me dit que l’homme est l’aboutissement ultime de la Création, le roi couronné, le parangon de la Nature. Plus de trois milliards d’années de lente progression depuis les monocellulaires jusqu’à l’Homo Sapiens. Regardez-vous dans la glace: vous avez été créés à l’image des Dieux! Sapiens veut d'ailleurs dire intelligent, sage, raisonnable, prudent (adjectifs non confirmés par les règnes animal et végétal, le minéral n'a pas encore donné sa réponse) !
Mais voilà, nous utilisons notre intelligence pour notre seul profit à court terme: nous nous intéressons aux animaux à partir du moment où ils nous permettent de nous enrichir. Le reste peut disparaître, comme l’éléphant sans ses défenses ou le rhinocéros sans sa corne, tués par la bêtise de mâles humains en panne de testostérone. Et à quoi servent un gorille, un ours, un tapir, un tamanoir?
Pire que des monarques absolus, nous asservissons le monde à notre avantage, envahissons les espaces les plus reculés. Vous vous souvenez? : « Croissez et multipliez », ou aussi, « Faites plus d’enfants que les autres religions, nous les submergerons pour la plus grande gloire de notre foi. ». Que veut dire Sapiens déjà?

Je partage avec toute l’humanité une immense responsabilité, mais que puis-je faire à mon niveau? J’ai un gazon bien pourri, je n’ai jamais mis un gramme de désherbant; j’ai bien réduit ma consommation de viande ; j’utilise le plus possible les transports en commun : est-ce que le binturong de Malaisie, l’okapi du Zaïre ou l’ours à lunettes du Pérou sont sauvés pour autant? Je me sens démuni, mais il faut à tout prix que je trouve quelque chose à faire. Pour au moins oser regarder mon petit-fils dans les yeux quand il comprendra combien ma génération a été pire qu’inhumaine, elle a été dé-naturée.