Longtemps pour moi, "solde" est resté un nom féminin singulier. La solde était ce que mon militaire de père touchait à la fin du mois. Rien de plus normal pour un "soldat".
Mais depuis de nombreuses années, c'est le masculin pluriel qui domine régulièrement l'actualité: les soldes.
J'allais tranquillement mercredi dernier acheter un Müesli bio sur Vélizy II, quand je sentis rapidement que je n'avais pas bien choisi ma journée. Emporté par un mouvement global de soldogenèse, je me suis vite retrouvé au Printemps, à mon portefeuille défendant. Faisant contre mauvaise fortune bon coeur, je me suis dit que j'allais peut-être faire une bonne affaire! Je me dirigeai donc avec l'énergie d'un saumon remontant le Niagara vers mes rayons habituels. Quelle surprise: aucune chaussette beige unie en fil d'écosse n'était soldée! Par contre, les violettes fluo étaient à moins 50 %. Et quelle malchance : aucun boxer DIM de couleur n'avait l'étiquette orange magique! Les strings, oui, mais pas les boxers. Le problème, c'est que même soldés, j'attrape un rhume avec ces trucs-là.
Enfin, je vis de loin une belle pile de chemisettes blanches, avec une étiquette alléchante, "Affaire Printemps" etc. Moi, j'aime les chemisettes blanches. En fait, rien de soldé dans ces articles bien en évidence, spécialement fabriqués pour les soldes, mais non soldés. Ce qui n'arrêtait pas une armada féminine redoutablement efficace de les froisser compulsivement . Mais pourquoi un tel acharnement? "Mon pauvre ami, si tu commences à réfléchir aujourd'hui, tu passes à côté de toutes les bonnes affaires!"
Bref, je m'en suis retourné sans Müesli, remettant à plus tard également le réassort de ma garde-robe sous-vestimentaire.
Dommage, je n'ai rien dépensé! En regardant les milliers de sacs que balançaient autour de moi des consommatrices essoufflées, décoiffées, mais à la mine réjouie, je me suis senti tout triste, décalé. On m'a dit que pendant les soldes, plus on dépense, plus on fait des économies. Eh bien, je n'ai fait aucune économie! J'ai vraiment honte.
Je fais encore partie des inadaptés chroniques qui font leurs acquisitions vestimentaires pendant l'année, quand les rayons sont pleins, les allées vides, et les vendeuses avenantes. Quel nul! Je suis un représentant d'une espèce en voie de disparition qui résiste encore et toujours à l'envahissante impression qu'on le prend pour un imbécile parce qu'il paye le prix fort.
Mais j'ai l'intention de me soigner: la prochaine fois, je me laisserai tenter par l'adorable shorty transparent à - 80 %. Et tant pis si ce n'est pas ma taille: chaque fois que je le verrai dans mon armoire, je me dirai: bravo, PAM, t'as vraiment fait une affaire!
Vivent les soldes.