samedi 25 juin 2011

Je suis soldophobe, mais je me soigne


Longtemps pour moi, "solde" est resté un nom féminin singulier. La solde était ce que mon militaire de père touchait à la fin du mois. Rien de plus normal pour un "soldat".
Mais depuis de nombreuses années, c'est le masculin pluriel qui domine régulièrement l'actualité: les soldes.
J'allais tranquillement mercredi dernier acheter un Müesli bio sur Vélizy II, quand je sentis rapidement que je n'avais pas bien choisi ma journée. Emporté par un mouvement global de soldogenèse, je me suis vite retrouvé au Printemps, à mon portefeuille défendant. Faisant contre mauvaise fortune bon coeur, je me suis dit que j'allais peut-être faire une bonne affaire! Je me dirigeai donc avec l'énergie d'un saumon remontant le Niagara vers mes rayons habituels. Quelle surprise: aucune chaussette beige unie en fil d'écosse n'était soldée! Par contre, les violettes fluo étaient à moins 50 %. Et quelle malchance : aucun boxer DIM de couleur n'avait l'étiquette orange magique! Les strings, oui, mais pas les boxers. Le problème, c'est que même soldés, j'attrape un rhume avec ces trucs-là.
Enfin, je vis de loin une belle pile de chemisettes blanches, avec une étiquette alléchante, "Affaire Printemps" etc. Moi, j'aime les chemisettes blanches. En fait, rien de soldé dans ces articles bien en évidence, spécialement fabriqués pour les soldes, mais non soldés. Ce qui n'arrêtait pas une armada féminine redoutablement efficace de les froisser compulsivement . Mais pourquoi un tel acharnement? "Mon pauvre ami, si tu commences à réfléchir aujourd'hui, tu passes à côté de toutes les bonnes affaires!"
Bref, je m'en suis retourné sans Müesli, remettant à plus tard également le réassort de ma garde-robe sous-vestimentaire.
Dommage, je n'ai rien dépensé! En regardant les milliers de sacs que balançaient autour de moi des consommatrices essoufflées, décoiffées, mais à la mine réjouie, je me suis senti tout triste, décalé. On m'a dit que pendant les soldes, plus on dépense, plus on fait des économies. Eh bien, je n'ai fait aucune économie! J'ai vraiment honte.
Je fais encore partie des inadaptés chroniques qui font leurs acquisitions vestimentaires pendant l'année, quand les rayons sont pleins, les allées vides, et les vendeuses avenantes. Quel nul! Je suis un représentant d'une espèce en voie de disparition qui résiste encore et toujours à l'envahissante impression qu'on le prend pour un imbécile parce qu'il paye le prix fort.
Mais j'ai l'intention de me soigner: la prochaine fois, je me laisserai tenter par l'adorable shorty transparent à - 80 %. Et tant pis si ce n'est pas ma taille: chaque fois que je le verrai dans mon armoire, je me dirai: bravo, PAM, t'as vraiment fait une affaire!
Vivent les soldes.

lundi 20 juin 2011

Auto : suggestions

La lecture de plusieurs messages précédents peut me faire classer de facto dans la vaste catégorie des "râleurs". D'aucun(e)s m'en ont même fait directement grief. Soit.
D'abord, je veux revendiquer ici mon droit à exercer dans toute son étendue cet art qui permet de distinguer le français de l'européen. La râlitude est en effet l'étendard de la francitude.
Ensuite, je m'en vais derechef vous démontrer que cet exercice n'est pas le seul auquel je peux me prêter. Il m'arrive en effet d'être positif, et même force de proposition.
Qu'il me suffise de choisir un sujet au hasard, par exemple l'usage automobilistique. Le gouvernement est-il en manque d'idées? J'accours aussitôt à la rescousse.
Première idée, les Bons points:
Vous franchissez juste une fois un feu orange, aussitôt de zélés policiers vous arrêtent le long de la voie et s'apprêtent à vous verbaliser. Vous êtes perdus! Sauf si vous disposez de ma machine à bons points! Vous leur présentez l'écran de cette machine, qui a enregistré toutes vos bonnes actions depuis un mois: arrêts aux passages piétons pour jeunes poussettes ou anciens poussifs, respects des 50 km/h requis sur certaines bretelles d'accès à l'autoroute (on sait que c'est le moment d'accélérer quand un 38 tonnes hurle à 50 cm derrière votre coffre) et même une place vacante laissée à une jeune maman un samedi après-midi à Parly II alors que vous venez de tourner 30 minutes avant de la trouver!
On peut donner un barème, par exemple 10 bonnes images contre un feu orange, 10 aussi pour un dépassement de vitesse de moins de 10 km/h, etc...
C'est vrai à la fin, on est un ange tout le temps, et un seul petit nuage diablotin nous fait noircir infernal par la maréchaussée. Bon, reste à mettre au point la machine, mais au moins j'ai donné le concept.
Seconde idée, le Jeteur de sorts:
Inversement, il vous arrive souvent d'être le spectateur impuissant de graves manquements à la sécurité routière. Par exemple, un fou roulant qui prend son pare-brise pour un écran vidéo et slalome pied au plancher sur toute la largeur de l'autoroute bondé, en vous frôlant au passage. Ou bien une (charmante au demeurant) conductrice qui réussit à écouter la radio, répondre à sa belle-mère assise à la" place du mort" (vraiment une coïncidence), faire un raccord de rouge-à-lèvres tout en écrivant un SMS. (Non, ce n'est pas du sexisme, seules les femmes savent faire plusieurs choses à la fois.) Vous vous rendez compte qu'elle néglige de s'arrêter aux stops, aux feux rouges, ignore où se trouvent les clignotants et adore changer de file sans crier gare... Ou encore le cabriolet frondeur qui passe à toute vitesse sur la voie d'accès d'urgence quand vous poireautez consciencieusement (et dans consciencieux, il y a sciencieux) depuis une heure dans un bouchon qui n'est pas lyonnais. Ah, on aimerait tant qu'existe une justice immanente, qu'apparaissent en vengeurs casqués les susdits anges gardiens de la route! Hélas, il faut bien reconnaître que l'immunité n'est pas que parlementaire.
Eh bien mon système, encore plus précis qu'un sort d'Harry Potter, lance un lasso électromagnétique sur le véhicule concerné, qui bloque définitivement sa radio à fond sur "Fais-moi du couscous chéri, fais-moi du couscous", le tube de 1960 déjà responsable de 2630 suicides et 4329 divorces. Je sais, c'est cruel, mais imparable.
J'ai d'autres idées, que je garde pour plus tard, comme le remercieur automatique, qui fait un grand coucou à votre place, ou le capitaine de soirée intégré ("Bonsoir, PAM, tu m'as l'air - comment dire - bien fatigué. Je te ramène à la maison, surtout ne touche pas le volant").
Mais vous avez de la chance, c'est tout pour aujourd'hui.
Alors, je vous ai convaincus?

samedi 11 juin 2011

Le pays du Bouddha

J'ai eu la chance de passer quelques semaines au pays du sourire, la Thaïlande, et effectivement, on ne peut qu'être tenté par cette approche de la vie, quand on voit la gentillesse de ces peuples d'Asie qui vivent souvent avec cent fois moins que nous. Nulle trace d'agressivité, de ressentiment. On se sent en paix, paix avec les autres, paix avec soi-même.
De fait, le bouddhisme qui est la toile de fond de cette civilisation attire de plus en plus d'occidentaux, qui y trouvent volontiers le contre-pied exotique à la vanité de leur mode de vie.
De plus, il est de bon ton de dire que ce n'est pas vraiment une religion, plutôt une philosophie.
Catholique par éducation, athée par conviction, je ne suis même pas agnostique. Je ne crois pas que je rencontrerai un jour "la" religion qui me convienne, que j'aurai alors "la" révélation, comme Paul Claudel derrière une colonne de Notre-Dame de Paris. Mais je me suis intéressé au bouddhisme, ne serait-ce que pour le plaisir d'apprendre.
Et j'ai eu la confirmation de mes craintes. Une philosophie? Bien sûr que non. Une religion pure et dure, oui. Voyons plus avant:
"Tous les événements sont du domaine de l'éphémère : la seule vérité permanente est la souffrance qui naît des frustrations causées par les désirs et les passions.
Il faut donc renoncer à tout désir et trouver les chemins conduisant à la renonciation.
L'homme est responsable de son destin, à condition de se forger une discipline personnelle basée sur la connaissance de soi, la méditation et l'obéissance aux préceptes bouddhistes..."
Eh bien, on est parti pour bien rigoler.
Décidément, de Platon à Jésus-Christ en passant par Bouddha, notre vie sur terre n'est qu'une vallée de larmes, un passage honteux dans un environnement forcément imparfait, grossier. "Excusez-moi de naître. Sans avoir rien fait encore, je sais que je suis déjà couvert de péchés! Mais ne vous en faites pas, je vais passer ma vie à me flageller, à résister aux immondes pulsions qui me poussent du côté du mal, à renoncer à tous les plaisirs possibles, pour me consacrer à une vie meilleure dans l'au-delà". Certains aiment leurs chaînes, mais moi, j'ai envie de zapper tout de suite!
Quelle différence entre le bouddhisme et le christianisme? Eh bien, simplifions. Pour les catholiques, Saint Pierre attend le postulant à la porte du ciel, pèse le pour et le contre, comme le Minos des Enfers grecs, et envoie au Paradis, disons, si l'on a au-dessus de 12 sur 20, ou en Enfer en-dessous de 8, et dans un espace intermédiaire, le purgatoire, quand on a entre 8 et 12... C'est clair, c'est la même règle pour tous. Le Saint-Pierre du bouddhisme (quel que soit son nom, il en faut bien un qui décide!), lui, il est plus exigeant, mais il autorise le redoublement. "Tu n'as pas 18, pas de Nirvana. Mais tu as le droit de retenter ta chance: retour sur terre." Par contre on n'a pas le choix du programme. Fourmi ou chacal, intouchable ou rockstar, DSK ou SDF, c'est la roue du Samsara qui tourne pour nous. C'est vrai que cela peut soulager de regarder un président de la république et de se dire que dans sa prochaine vie il a de grandes chances d'avoir plutôt un Solex qu'une Rolex. Mais franchement, c'est une règle du jeu encore plus compliquée. J'ai déjà du mal avec un seul passage sur terre, alors non merci pour le coup de la roue du destin, de l'éternel retour... Je ne supporte pas l'idée que l'on s'occupe de moi une fois, alors repasser régulièrement devant le même jury, pour se faire recaler parce que l'on a regardé une jolie fille, merci bien.
Bref, j'ai arrêté là mes investigations.
Mais alors, pourquoi une telle impression de paix dans ces pays où la peau est bronzée et les yeux sans paupières?
Parce que sont les hommes qui créent et vivent leur religion, pas l'inverse.
Quand on a envie de zigouiller, comme dit Alain Souchon, on trouve toujours une religion pour sanctifier ses crimes, et sinon, on la crée.
On ne pourra jamais faire l'expérience, mais je pense que même érigé en Religion d'Etat dans les pays occidentaux et moyen-orientaux, le bouddhisme  ne changerait rien à l'affaire.
On est peut-être le premier pays du fromage, mais on a du boulot pour être le "second" pays du sourire.