mardi 22 juillet 2014

Némésis et Aïdos

La Grèce antique est une source inépuisable d’inspiration et de références. Sacha Guitry à qui l’on demandait « Quoi de neuf ? » a répondu selon la légende : « Molière ! » Je répondrais sans hésiter « Homère ! » Attention, à la lecture des premiers vers de l’Odyssée dans la traduction de Victor Bérard, de nombreux cils seront mouillés, de nombreux regards embués par le choc devant tant de beauté.
C’est à Hésiode que j’emprunterai le mythe de Némesis et d’Aïdos. Il est dit que dans le sombre Age de Fer (le nôtre), quand plus aucun espoir ne survivra de revoir les hommes vivre en paix et en bonne intelligence, alors la Justice divine et la Pudeur, la face triste sous leur long châle blanc, abandonneront définitivement l’humanité à son sort pour remonter sur l’Olympe. Si elles ne l’ont pas fait au XXème siècle, l’an 2014 verra leur envol.
J’ai eu aussi les yeux mouillés hier soir, mais hélas c’était à l’écoute d’un reportage sur France-Info d’un journaliste depuis 12 jours dans la bande de Gaza. Mon Dieu (mais quel dieu est-il, quel nom a –t-il pour tolérer cela ?), rien ne justifie la mort d’enfants, rien ne peut expliquer les tourments qu’ils subissent. Cette plaie ouverte sur le corps de notre planète empoisonne chaque être humain, le mal est entré en nous, et je ne sais pas prier pour l’exorciser.
Quant à la destruction en une fraction de seconde des 300 vies du vol MH17, pris pour cible par des faux militaires qui confondent la vraie vie, ou plutôt la vraie mort avec les jeux vidéos, les mots ne sont pas assez forts.  « The fate of all mankind is in the hands of fools » chantait King Crimson en 1969, c’est de plus en plus vrai. Le plus désespérant, c’est l’impuissance des démocraties face à la désinformation permanente lancée à la face du monde comme une gifle par le Kremlin. Pire qu’au pire temps stalinien. Et que dire du silence insupportable de l’Europe molle, flasque patchwork de petits états nombrilistes  traités en serpillère, et le remerciant presque. Pense-t-on vraiment vivre encore 70 années de paix en Europe de l’Ouest sans aucun effort, sans aucun courage ?
On ne peut pas parler de bestialité, non, car ces actions horribles, aucun animal ne les accomplirait. Je veux citer encore les paroles d’une chanson, « Animal on est mal »,  de Gérard Manset :
« Et si on ne se conduit pas bien,
On revivra peut-être dans la peau d'un humain. »
Il y a des jours comme ceux-là, où il est difficile de voir la vie en rose.