samedi 3 décembre 2011

Bon choix Madame, bon choix Monsieur


Je vous parle d'un temps que les moins de vingt ans (et même les moins de quarante ans) ne peuvent pas connaître...L'époque où le prix de la baguette passait scandaleusement de 41 à 44 centimes (de franc).
La baguette n'était d'ailleurs pas mon centre d'intérêt principal, son achat était vite expédié. Je me concentrai plutôt sur les roudoudous et autres mistrals gagnants que j'achetais avec la monnaie.
En passant, ceci me permettait d'aller voir, un peu plus tard, le dentiste installé à côté de la boulangerie. Ah, tout tournait rond dans le petit monde de la France des années 60.
Maintenant, acheter du pain relève du parcours du combattant, et ce n'est pas l'arrivée des fêtes qui va nous faciliter la tâche.
Si vous arrivez chez le boulanger avec une vague consigne du genre "prends du pain en passant", attendez-vous à la honte de votre vie...Première étape: "baguette, baguette... êtes-vous sûr? Baguette, baguettine, pain long, pain court, boule, flûte, épi, fougasse, badine, pistolet ?". Vient ensuite le contenu: "seigle, froment, épeautre, maïs, millet, avoine, six céréales ?", et les options " sésame ou pavot, noix ou figues, bio ou pas bio, bis ou pas bis, campagne ou classique, complet ou pas complet, avec ou sans levain, tranché ou pas tranché, à l'ancienne (j'imagine le boulanger se levant à 3h30 pour enfourner ses pâtons dans un nuage de farine) ou pas à l'ancienne? ". Je ne vous parle pas des pains de mie, avec ou sans croûte...C'est le miracle permanent de la multiplication des pains.
Bref, je me retrouve souvent sur le trottoir sans rien sous le bras. Et comme je n'ai pas non plus de béret, un touriste qui passe ne me prend même pas pour un français.
Alors, à la maison, on ne mange plus de pain!
C'est somme toute une bonne technique pour faire faire des économies. La profusion du choix bloque le processus de décision (tiens, un autre processus).
Et c'est vrai partout.
Exemple: Je viens bêtement de faire chou blanc. J'avais benoîtement ajouté "ampoule électrique" dans ma liste de courses ce midi. Oh le naïf! Mais, mon pauvre ami, il faut savoir maintenant que c'est beaucoup plus facile d'organiser sur Internet son séjour de vacances auprès des derniers aborigènes anthropophages de Bornéo que de choisir une lampe qui ira à la place de celle qui vient de claquer chez vous. Entre les culots à petite ou grosse vis, à grosses ou petites pinoches, à demi ou quart de tour, les fluos semi-enroulés, les watts qui font la culbute, les étiquettes vertes pour des spots multicolores et les LED dont la durée de vie dépasse largement la vôtre (c'est vexant), on se retrouve finalement à acheter un lot de bougies et des allumettes. A force, Flamanville va redevenir rapidement un petit port de pêche.
Comment être à l'abri de cette folie multiplicatrice? La guerre du choix fait rage dans l'audio-visuel, les téléphones, les lessives, les doses de café avec la machine qui va bien, et même au niveau des sous-vêtements pour homme. Entre boxer, caleçon court ou long, string, minislip, coton, stretch, lin naturel en provenance de forêts primaires (je mélange un peu), acheter un slip est devenu désormais un acte structurant, révélateur de votre philosophie de la vie, un acte militant, un choix qui vous détermine, un signe envoyé à tout votre entourage pour proclamer votre vrai moi (l'habit fait le moi).
Tout est atteint! Tout? Non, de petits secteurs résistent encore et toujours à l'envahisseur marketeux. Mais pour combien de temps? Je me suis récemment réveillé d'un cauchemar avant d'avoir fini de répondre à un questionnaire. C'était "choix de votre futur enfant". Simple, il suffisait de cocher des cases. Garçon ou fille, grand ou moyen, blond ou brun, yeux clairs ou sombres, ronds ou en amande, teint mat ou clair, morphologie en rondeur ou en angles, joues normandes ou pommettes saillantes, (...), extra ou introverti, avenant ou réservé, zen ou avec du caractère, QI au-dessus de 120 ou en-dessous de 70, durée de vie inférieure ou supérieure à un siècle, etc... Ce qui m'a réveillé, c'est une erreur (horreur) dans le questionnaire: "votera pour le FN ou pour le NPA". Pas encore au point, ouf!

vendredi 18 novembre 2011

Processus vital


Chère lectrice, cher lecteur (je pense que le pluriel est encore un peu ambitieux pour ce blog), le XXIème siècle commence très fort .
J'en veux pour preuve la vitalité linguistique de nos reporters radiophoniques.
Prenons une phrase entendue au hasard des flashs de France-Info : "Le processus vital de la quinquagénaire n'est plus engagé."
Voilà un beau concentré idiomatique de l'homo journalistus. Mais qu'est-ce que cela veut dire?
Je vais tenter ici une analyse grammaticale et syntaxique qui nous rappellera les meilleures heures des cours de français au collège.
Prenons d'abord quinquagénaire. Personne entre 50 et 59 ans. A chaque fois que j'entends ce vocable, ma première réaction est de me dire "en effet, il (ou elle) est déjà bien avancé(e) en âge". Avant de me rendre compte que, moi aussi, je suis à classer dans cette catégorie. Alors je m'insurge. Quinquagénaire, c'est un mot horrible, insupportable. Il commence comme quinquaillerie ou quinquina, continue comme "Y a pas d'gêne, Eugène" et se termine comme "Viens faire un bisou à ta mèmère". Il sent déjà le muscat du dimanche et l'horloge au salon (tic-tac). Il donne envie de prendre une réservation au colombarium. Alors,stop, basta, fini, plus de quinqua, SVP !
Analysons maintenant "Le processus vital est (ou n'est pas, ou n'est plus) engagé".
Je suis persuadé que c'est le résultat d'un pari stupide entre internes d'un service d'urgences médicales: "Je te parie que je dis n'importe quoi au premier scribouillard qui déboule et qu'il le recopiera in extenso dans sa feuille de chou."! On imagine la fin exténuée d'une longue période de veille, quand les odeurs de café, de sueur et d'hémoglobine se mélangent dans le petit matin embrumé. Mais ce n'est pas une excuse. Et le succès a dépassé toutes leurs espérances!
Un processus vital, on peut l'imaginer. Par exemple d'une manière basique, dans son ensemble. Le processus de la vie, c'est celui qui part de la fécondation et mène à l'être constitué, végétal, animal ou humain, que ce soit la marguerite, le marcassin ou même la Marine (j'ai un doute sur le dernier exemple).
Bon, pour en terminer avec l'analyse du texte, prenons le mot "engagé". En langage universel automobilistique, nous comprenons tous ce que veut dire engager: on engage une vitesse, on s'engage sur une voie. On peut aussi engager un collaborateur, un nouvel entraîneur, s'engager dans la légion (se rengager même, qu'y disaient), engager la conversation, ce qui n'engage à rien, surtout avec un air engageant. Bref, c'est plutôt entamer quelque chose.
Alors que veut dire "engager un processus vital"? En étant logique, on pourrait imaginer qu'il s'agit de l'étape initiale de la fécondation, vous savez, ce miracle de la création dont le succès se concrétise en méïoses, mitoses et autres boutons d'acné (en raccourci). On pourrait ainsi comprendre que "Le processus vital de la quinquagénaire n'est plus engagé." signifie que cette dame ne va plus procréer, ce qui somme toute est naturel, mais ne nécessite pas forcément la publicité plumitive des envoyés spéciaux.
Eh bien pas du tout! Engager un processus vital, c'est s'engager dans le chemin qui mène au repos éternel, c'est préparer le départ ultime sous le couchant brumeux dont parle l'Iliade. Alors, ne pas s'engager à la légère! Heureusement le processus est réversible, il est possible de faire le chemin à l'envers, ouf pour la femme d'un certain âge.
Décidément, les processus ont le vent en poupe, comme le montrent quelques exemples:
le processus vertueux de nettoyage économique, qui a commencé en Europe du Sud (nous aurons bientôt la chance de le voir débarquer chez nous....),
le processus vertueux de réarmement moral des élites politiques (à réactiver régulièrement),
le processus adaptatif mis au point par Coluche: "dites-moi ce dont vous avez besoin, je vous expliquerai comment vous en passer.",
mais le roi des processus, c'est le processus stochastique " qui permet de modéliser des systèmes dont le comportement n'est que partiellement prévisible" Un avenir colossal!
Vivement que le processus d'utilisation de ce processus soit engagé.

vendredi 4 novembre 2011

Tu aimeras ton prochain comme toi-même

Je suis toujours profondément ému par l'architecture sacrée de nos contrées, cathédrales  églises, abbayes, chapelles, cryptes... Romanes dépouillées ou gothiques flamboyantes, elles mettent à chaque fois mon coeur au bord des lèvres. Je suis prêt à parcourir des centaines de kilomètres pour quelques minutes de méditation à Vézelay, Conques ou Albi.
Mais je n'hésiterais pas une seconde à les rayer de la surface du globe, ainsi que tous les temples, tous les splendides édifices religieux de ce monde, si j'étais sûr qu'avec eux disparaissait aussi l'intolérance religieuse.
Aujourd'hui, la main intégriste s'apprête à enserrer le cou des vainqueurs du printemps arabe pendant que des murs se hérissent à Jérusalem, que se proclamer copte, sunnite, chiite, israélite, etc. suffit pour devenir une cible mortelle, et que des livres sacrés sont brûlés sur la place publique. Faudra-t-il boire ce calice de fiel jusqu'à la fin de l'humanité?
Croyant, fidèle, tout le monde peut croire. Oui, "croire", c'est bien le mot, mais pas "savoir". Personne ne saura jamais ce que veut dire la mort et ce qu'il y a derrière. Il n'y aura jamais de démonstration définitive, jamais.
Alors pourquoi être si sûr de soi, pourquoi ne pas accepter la différence, pourquoi tant d'orgueil et de haine, pourquoi vouloir autant faire le bonheur des autres malgré eux ? Etre croyant est-ce surtout ne pas supporter que d'autres aient une autre croyance?
Pourquoi s'entretuer à ce point ? Pour le pouvoir, les richesses? Pour la nourriture, l'eau? Non, pour des idées! Des rivières de vrai sang rouge coulent pour quelques gouttes de salive d'orateurs fanatiques. Baal n'est pas mort, le dieu assoiffé de victimes humaines rit toujours de plus belle, avec la Peur et l'Ignorance prospérant à ses côtés.

Pour ma part, je cherche ma vérité, j'arpente mon propre chemin. Je n'ai pas fait le choix transcendantal du Verbe, mais c'est une démarche personnelle. La réflexion philosophique me convient mieux, la lecture de Montaigne ou d'Epicure.  Avant tout, je respecte les autres choix, religieux ou non. D'ailleurs, si vous m'avez suivi, je dois convenir que je ne sais pas si mon choix est le bon! Mais c'est le mien.

Pitié pour les incroyants (ceux qui sont dans les ténèbres), les faux croyants (ceux qui ne croient pas comme il faut), et les vrais croyants (ceux qui recherchent les deux premières catégories pour leur faire radicalement comprendre qu'ils ont tort).

samedi 15 octobre 2011

A perfect day


Mon année de terminale a été bercée par les doo, doodoo, doo doodoo doo doodoo, de "Walk on the wild side", le tube planétaire qui a fait connaître Lou Reed au grand public. Il l'a mis sous les feux de la rampe, lui qui était jusqu'alors plutôt habitué au monde interlope des caves new-yorkaises et à la musique acide du Velvet Underground. David Bowie a tout réussi en 1972, il a explosé en "Ziggy Stardust", mais il a aussi déniché et transfiguré Lou Reed, perdu entre deux eaux berlinoises. "Transformer" est le résultat Loureedien de cette année de grâce. Tous les titres sont bons, mais j'ai aujourd'hui une affection particulière pour un morceau moins connu,qui était présent sur la bande son du film mythique "Trainspotting". "A perfect day" est juste a perfect song.
Les paroles de Lou Reed sont d'une beauté rare, celle qui invite à rêver. Leur simplicité apparente nous entraîne doucement dans son univers, où tout ce qui est caché émerge des profondeurs et occupe bientôt toute la scène.
Au premier abord, quelle naïveté, cette journée parfaite! On a l'entrée de gamme des plaisirs, le sous-sol prolétaire de l'amusement, le niveau zéro sur l'échelle du bonheur... Nourrir un zébu le samedi soir et regarder un navet avant de s'en retourner chez soi, on a du mal à imaginer moins glamour.
Certes, mais il décide que cette journée est parfaite. Il savoure justement cette parenthèse anonyme, cette pause de citoyen ordinaire, avant de reprendre sa vie. Ce n'est certainement pas avec une compagne qu'il passe cette journée, c'est une amie, juste une amie. Il la connaît depuis longtemps, mais quand ils rentreront à la maison, ce sera chacun dans la sienne.. Il l'a rencontrée dans une autre vie, peut-être dès son enfance, avant que la sienne ne bascule, et elle a de lui cette image intacte de quelqu'un de bien.
Avec toi, je m'oublie, je pense être quelqu'un d'autre. Je sais bien que ma vie est toute autre, mais ici, avec toi, je fais les gestes d'un homme normal, et c'est comme tel que tu me regardes. Sous ton regard, je retrouve pendant quelques heures la personne honnête et droite que j'ai été, voici longtemps. Ma vie reprendra bien assez tôt, dès que je t'aurais quittée, sur le pas de ta porte avec un rendez-vous pour samedi prochain en poche. J'ai encore décliné avec un sourire ton invitation à entrer, mais je veux garder notre relation immaculée, hors du temps, hors de mon temps en tout cas. Cette journée, c'est ma "time capsule", mon instant figé à jamais, mon rituel de pureté et d'innocence. Oh, gardons cette journée dans toute sa simplicité, sans surenchère. Je veux surtout te voir sourire en me regardant quand tu lèves des yeux un peu plus brillants après une gorgée de sangria, ou quand tu me prends machinalement la main quand le lion se met à rugir.
Mais lorsque ta porte se referme, je retrouve intacts mes errements et mes fautes, mes plaies et mes délires. Je reprendrai dès ce soir ma dose quotidienne d'héroïne, ma seule issue pour ne pas trembler. Je pourrai alors quitter ma tanière solitaire et faire mon travail, tuer pour de l'argent. Ce soir, j'ai un contrat sur une tête. Une photo, une adresse, c'est tout. Je ne veux rien savoir d'autre. Je te reverrai samedi prochain, enfin j'espère. En attendant, "je n'ai plus qu'à récolter ce que j'ai semé."
Quelle force d'évocation dans ces quelques mots, quelle compassion à leur écoute!
Pour les chanter, Lou Reed se fait intimiste, presque crooner. Félin nocturne, sa voix fait patte de velours pour ce havre de paix, alors qu'il sort ses griffes et égratigne les filles sur les autres plages de Transformer, ces filles de petite vertu, peinturlurées, absentes ou congénitalement bavardes...
La mélodie met en valeur les paroles avec la simplicité requise, soutenue par des notes aériennes jouées au piano, qui viennent en contrepoint parfait du chant sur un fond de violons.
Doux, tout est doux, comme une sucrerie partagée à la foire, entre deux manèges. Etrangement doux. Nous sommes dans l'oeil du cyclone.

Si vous en avez envie, cliquez sur le titre pour écouter...

samedi 8 octobre 2011

Dangereuse vacuité

C'est une catastrophe, je n'ai rien à faire!
Je le sentais, cette journée "off" était un piège. Un piège qui commençait par une bonne idée: j'ai pris mon mercredi en RTT pour renouer avec un vieil ami de passage à Paris. Restaurant japonais en terrasse puis visite du Musée d'Art Moderne. Après tout, comme tout bon parisien, je ne découvre ma ville que lorsque je reçois des amis. Et c'est le printemps...
Rendez-vous sur place à 11h30 pour un apéro sympa, et tutti quanti.. Je commence bien ma journée à domicile, comme un bon automate programmé. Je m'acquitte rituellement des diverses tâches ménagères à ma portée, tout en saturant mes oreilles avec France-Info dont je connais rapidement par coeur les titres répétés. Pas une seconde à moi, pas une seconde pour moi. Normal. Très vite, le temps m'est compté pour être à l'heure au rendez-vous, je me hâte vers la gare. Renormal. Tout va bien, j'ai un petit appareil dans l'oreille saturé d'I-tubes
En chemin, SMS de l'ami, contretemps intempestif, annulation. Patatras.
C'est que je n'ai pas l'habitude d'avoir du temps devant moi!. J'aime être pressé, stressé, arriver pile à temps être un peu en retard. Vivre dans l'urgence, avoir toujours ma liste à faire, jamais soldée. Et surtout, surtout, ne pas avoir le temps de penser.
Et je me retrouve dans cette rame de métro sans rien avoir à faire....Il va bien falloir sortir pour aller...où? Un restau et un musée tout seul? Tu parles!
Je commence à taper frénétiquement sur mon I-truc, mais personne ne répond. Collègues au boulot, relations au vert, tribu aux abonnés absents! Au secours, je suis tout seul. Danger.
Un blanc. Un blanc dans la tête. Je sors à la Trinité, mes pas me dirigent vers un de ces nombreux jardins publics que la Ville de Paris met à la disposition des passants. J'avise un banc presque propre, et je commence une expérience extraordinaire: débranché, décâblé, déconnecté, je tente sur un coup de folie de ne rien faire. Tant pis, je vais me prêter à ce jeu dangereux.
Peu d'enfants et de mamans à cette heure méridienne. Je suis d'abord absorbé par les sauts et les chants des passereaux fous de soleil. Ils bondissent, piaillent près de moi, mais partent vite quand ils voient mes mains vides. Je laisse alors mon regard errer sur les frondaisons vert tendre. Malgré moi, ma tête perd pied, mon ancre échappe aux fonds rocheux, mon bateau dérive. Mes pensées, un peu surprises d'avoir le champ libre, se mettent alors à vagabonder.
Viennent d'abord mes vieux démons, ceux dont j'ai peur, ceux que j'enfouis volontairement sous une couche permanente d'activités fébriles et futiles.
En liberté maintenant, ils se pressent en nombre et se bousculent. Ils ressurgissent et se rappellent à mon souvenir. Oh, je les connais, ces fêlures, ces renonciations, ces lâchetés molles comme des loukoums, ces rêves perdus ou brisés, brûlant comme l'acide. Je les sens m'envahir, ces angoisses devant la souffrance, la maladie, la vieillesse, l'avenir, toutes ces boules de fiel qui enflent dans ma gorge et éclatent dans ma tête.
Rien de bien anormal, allez, c'est l'heur de tout être humain d'avoir ce lot de pensées. Au premier round, je suis terrassé, anéanti.
Je m'accroche, je me laisse traverser par ces pensées, en essayant surtout de ne pas les retenir, comme le font si bien les Bene Gesserit avec la douleur dans Dune.
J'y arrive, difficilement, mais j'y arrive. Je fais appel à mes plus beaux souvenirs. Le sourire de ma femme et de mes enfants, un départ de régate entre amis en baie de Morlaix, une maison de pêcheurs sur Bréhat, la cathédrale de Reims...
Au bout d'un moment, l'étau se desserre, j'ai l'impression d'avoir apprivoisé les monstres. Je revois à nouveau les arbres, j'entends à nouveau les mésanges.
Et brutalement, je me surprends à ne penser à rien. Oui, à rien! Evidemment, quand je m'en rends compte, le charme est rompu, mais j'y suis arrivé un moment, un merveilleux moment éveillé!
Quelle impression étrange. Ne penser à rien, c'est accepter de penser à tout, de devenir un réceptacle universel, "ici, on accepte toutes les idées", c'est un état de grâce.
Les idées qui passent s'arrêtent volontiers un moment, elles savent qu'elles ne seront pas censurées. C'est alors qu'elles sont les meilleures, qu'elles nous élèvent.
Alors n'hésitez pas, osez tout arrêter, tout arracher, tout araser. Osez le vide, osez le rien. Cultivez-le contemplez-le, laissez le errer à sa guise. Le jardin personnel a besoin de jachère.

vendredi 2 septembre 2011

XL ou XX ?

J'aimerais bien être une femme.
Disons plutôt que je leur envie certains côtés. Surtout en cette belle fin d'été, quand la parenthèse des vacances se referme plus rapidement et plus vigoureusement que jamais.
Bref, je me retrouve sans surprise dans mon rôle de cadre, j'en ai repris le tristounet uniforme, le morne habit qui fait le moine, l'incontournable costume. Remisés au placard, lesT-shirts et les tongs; dans la naphtaline, les polos et les bermudas. L'automne n'est pas encore arrivé que j'ai déjà revêtu la tenue d'amertume qui m'embrume. A quoi sert mon bronzage durement gagné sous cette couche opaque et standardisée? Je crie au scandale. J'erre terne et transpirant sous un soleil mort de rire,. Désormais, ma principale occupation vestimentaire consiste à choisir la couleur de mes chaussettes et de ma cravate pour ne pas jurer avec le reste. Au global, et comme l'orange fluo n'est pas de mode, j'arbore (pas du tout) fièrement un ensemble passe-partout, rase-muraille, couleur au choix de pavé mouillé, de télé déréglée ou de cuir de T-Rex empaillé.
Alors que tout autour de moi, elles évoluent, vaporeuses et légères, lumineuses et dansantes. Elles dosent au millimètre carré près l'exposition de leur peau dorée aux regards et au soleil: un peu plus par ici, un peu moins par là, Elles s'inventent tous les jours des tenues colorées, bigarrées,dont je ne connais même pas le nom. Je découvre des robes, des jupes, courtes, mi-longues, longues, des shorts, des corsaires, des chemisiers, des tailleurs, des tops avec ou sans manches, des boléros, des chauffe-bras, des tuniques, des trucs à bretelles ou sans, etc.... Sans parler des chaussures, tongs, ballerines, escarpins, bottines, bottes, des sacs (une galaxie à part entière), des bagues, boucles d'oreille, créoles, colliers, pendentifs, perles. J'allais oublier le monde capiteux des sous-vêtements, l'univers enivrant des parfums... N'en jetez plus, le vertige me prend, je n'ose aborder au continent des maquillages, vernis, poudres, rouges à lèvres,... Quel bonheur, quel océan de choix !
Je suis sûr qu'elles ont un cerveau branché spécial, avec un système expert intégré pour déterminer la tenue exacte chaque matin. Tous les paramètres sont pris en compte. En fonction de la météo, de l'humeur, de la forme, des personnes rencontrées et de l'objectif recherché, le cocktail parfait se dessine sous les yeux, surprise et couleurs à chaque fois!
Je commence à entrevoir l'immensité de la tâche que doit accomplir une femme dans ce domaine. Ce n'est pas un hasard si Zara remplace un tabac, et Etam un marchand de fromages. Maintenir à jour sa garde-robe, c'est un sacerdoce de tous les instants, un travail de Titan, un tonneau des Danaïdes toujours à remplir, un rocher de Sisyphe sans cesse à rouler, bref, l'affaire de toute une vie.
Bon. Qu'en est-il de mon côté? Je tombe tous les 3 ou 4 ans dans un guet-apens tendu par mon épouse: environ trois heures pour choisir quelques costumes, pantalons, etc...qui me feront bien de l'usage. Le renouvellement des chemises et autres cravates se fait sans douleur grâce aux anniversaires, Noëls, fêtes de pères, bien pratiques. Service minimum, mais pour moi, c'est déjà le maximum!
Finalement, à bien y réfléchir, j'aimerais bien rester un homme.

mercredi 10 août 2011

Morse (Let the right one in)

J’ai regardé Morse (Let the right one in) quatre fois en un mois. La dernière fois, c’était hier, deux heures sans discontinuer avec en bande sonore les commentaires de l’auteur/scénariste et du réalisateur. Il s’agissait plutôt d’une discussion à bâtons rompus, insistant sur des détails qui m’avaient échappé (les yeux d’Eli brillent dans le noir juste avant qu’Oskar n’allume, montrant des pupilles elliptiques …) mais aussi pleine d’humour et de petits détails sur le tournage (par – 35 °C parfois) ou la vie à l’époque (vieille Simca faisant partie du décor, jingle de la radio suédoise des années 80, etc…). Une autre manière de rester encore un peu avec ce film extraordinaire.
Surtout que Harry Potter laisse ses fidèles (dont je fais partie) seuls avec leur blues, et que la vague vampirique rouge et noir qui envahit devantures et écrans me laisse froid. En fait, c’est sur les conseils de mon fils que j’ai regardé Morse. Je l’ai regardé seul, mais c’était presque dangereux.  Quand le générique de fin s’est égrené à l’écran, j’ai compris que quelque chose d’important venait de se passer dans ma vie. Je suis resté un moment tétanisé, sous le charme et le choc, reprenant lentement mes esprits après un voyage intemporel dans ce monde si proche et si différent.
Morse est un film hypnotique, centré sur une histoire d’amour entre deux préadolescents de 12 ans.  Oskar est l’archétype du jeune suédois; il a de longs cheveux fins et blond nordique, la peau diaphane et les yeux bleus. Sa démarche est douce, mais il nous laisse entrevoir tout un côté sombre: souffre-douleur de petites frappes de sa classe, fils de parents divorcés le laissant souvent à lui-même, il est attiré par le mal, mais n’y a encore jamais versé. Eli, yeux clairs, regard et cheveux sombres, a l’apparence d’une jeune fille, mais c’est aussi un vampire, qui boit du sang frais, ne peut supporter le soleil, et attend qu’on l’invite pour entrer dans une maison. L’hiver suédois est idéal pour elle, avec ses longues nuits et ses éclairages artificiels se reflétant dans la neige omniprésente.  Même si le sang est souvent présent, notamment dans une des premières scènes, décalée avec un chien blanc inattendu sous les arbres, l’histoire ne nous est jamais martelée, tout est plutôt suggéré, comme par exemple le fait qu’Eli puisse voler.  
La première rencontre entre Oskar et Eli nous les montre dans la cour de leur immeuble, illuminée et vide. En T-shirt et pieds nus dans le froid, elle apparaît sans bruit au sommet d’un jeu pour enfants, dont elle descend d’un simple saut, enfantin et maîtrisé, pour s’approcher d’Oskar emmitouflé. Cette séquence, ce saut, c’est tout le film, surprenant et dérangeant, mais délicat et attachant.  Une alchimie entre le réalisme de cette banlieue sans âme de Stockholm, et l’intrusion violente du surnaturel, un savant dosage où la finesse des dialogues Oskar-Eli est aussi empreinte d’humour. La maîtrise de la caméra et de la bande-son nous présentent l’histoire  dans un écrin blanc et froid, lumineux et limpide comme la superbe séquence dans la piscine, apothéose à la fin du film.
Il n’est pas possible de rester indifférent devant ce chef d’œuvre poétique. Je cherche maintenant le livre, « Laisse-moi entrer », en gardant les héros imprimés dans mon cœur, qu’ils ont fait un peu plus grand.

mardi 26 juillet 2011

Rêve lipidineux


Je rêve d'être gros.
On rêve toujours de ce que l'on n'a pas. Je suis si mince que ceux qui me rencontrent pour la première fois se demandent si je ne suis pas de profil. Mes amis cherchent à m'aider, saturent mon frigo, font des recommandations culinaires à mon épouse. Mais il ne faut pas chercher ailleurs que dans mon métabolisme l'origine de ma fluette silhouette. Telle est ma croix, tel est mon destin. Mon médecin traitant me l'a confirmé, je ne pourrai pas grossir, c'est comme ça. Certaines personnes ne peuvent pas avoir d'enfants, moi, je ne peux pas avoir de graisse.
J'ai pourtant suivi des régimes draconiens, qui m'ont demandé des années d'efforts et de gavage. Je connais toutes les spécialités adaptées à mon cas. De la tartiflette savoyarde à la carbonade flamande en passant par la pizza napolitaine aux quatre fromages ou la crêpe normande au camembert, j'ai tout tenté, tout essayé. En vain! J'ai la nomenclature complète du porc tatouée dans mon estomac: andouillettes, tripoux, jambons et petit salé, salamis, saucisses et farces. Dans le cochon, tout est bon, mais rien n'y fait!
J'ai eu un moment un secret espoir, lorsque je découvris à la Réunion un sandwich divin, l"Américain Bouchon Gratiné," avec des frites et de la mayonnaise. Espoir hélas rapidement déçu. Pas un gramme de pris!
Et le sucre me direz-vous! Le sucre? Peine perdue! Les profiteroles au chocolat, tiramisus aux speculoos et autres brioches recouvertes de beurre de cacahuète et de confiture n'ont rien donné. Je demeure gringalet, efflanqué, grand dépendeur d'andouille.
J'ai cherché à oublier mon malheur avec des brunes, des rousses et même des blondes. Je veux parler des bières, bien sûr. Mais là aussi, l'alcool a échoué: les poignées d'amour et le petit ventre rond me sont aussi étrangers que les poux chez les bonzes, et le bronze chez les Papoux.
J'ai même approché la chirurgie esthétique, mais ils n'y connaissent rien en lipo-injection!
Balance, ma belle balance, dis-moi qui est le plus maigre du royaume? Et paf, c'est toujours moi! C'est désespérant.
Une approche psychopathologique m'a fait croire un moment que c'était dû à mon mode de vie parisien : le stress quotidien brûlerait toutes les calories que j'absorbe. Mais je ne suis pas stressé du tout! Je gagne ma vie correctement, sans effort, en louant mon corps à la faculté de Médecine. On voit très distinctement les 206 os humains en mouvement. C'est très pédagogique paraît-il, bien mieux que sur un macchabée. Je suis un antisèche médical ambulant.
Mon rêve est inaccessible, moi qui voulais tant ressembler à Gérard Depardieu (dans sa version actuelle), je penche plutôt du côté Nosfératu le vampire.
Et le pire, c'est que je ne trouve personne pour me plaindre.

mardi 12 juillet 2011

Oral de rattrapage

Le docteur Freud a montré comment nous devenons un être humain, comment nous construisons notre relation avec les autres en passant par plusieurs phases, orale, anale, puis génitale.
Soit!  Il s'agit là du développement vers l'âge adulte. Mais qu'en est-il de la dernière partie de notre vie?
Eh bien une fois de plus les experts des Ecumes de PAM se sont penchés sur cette question passionnante, et vous dévoilent ici-même le résultat de leurs découvertes, heureux lecteurs avides de nouveauté.
Leur conclusion, c'est que le cycle se referme sur lui-même, et que le stade oral reprend tous ses droits. Une précision: il faut être en couple, et c'est un seul des deux qui est atteint. L'autre en général ne prononce pas un mot, et rumine en regardant ses chaussures.
En voulez-vous des exemples?
Pour être au coeur du sujet, il faut faire ses courses dans un hypermarché, mais attention, seulement le week-end, quand ceux-ci sont bondés. Les couples âgés ne font pas leurs courses en semaine, alors que les rayons sont vides et les caisses rapides: non, c'est trop déprimant, il faut voir du monde! Et pour voir du monde, rien de tel que le samedi après-midi. Tant pis, on regardera "les Feux de l'amour" en différé!
Extraits de conversations prises à la volée:
- Je me demande bien pourquoi tu veux acheter des tomates, j'en ai encore vu plein dans le frigo, elles sont en train de pourrir. Tu ferais mieux de regarder avant d'acheter n'importe quoi. Et de toute façon, la dernière fois que tu en as faites, elles étaient ratées, brûlées à l'extérieur et pas cuites à l'intérieur. Je ne sais toujours pas si tu les choisis mal, ou si tu ne sais pas les cuisiner, c'est peut-être bien les deux."
- Mais non, tu t'es encore trompé. Faut que je fasse tout moi-même. Regarde, j'ai dit par paquet de 10, qu'est-ce que tu veux que je fasse d'un lot familial de 25 saucisses? Tu ne manges plus rien, et depuis qu'on est fâchés avec le mari de Cécile, plus personne ne vient à la maison."
- Je dis pas que tu les digères pas, je dis simplement que chaque fois que tu en prends, tu es de mauvaise humeur. Regarde, rien que d'en parler et déjà tu commences à faire la tête. Tu vois bien que j'ai raison."
- Moi je préfère celles de "Bonne Maman". Tu t'acharnes à essayer de les faire toi-même, et c'est trop amer, immangeable."
- Ecoute, tu pousses le caddy, tu restes dans la rangée, tu essaies de me suivre, et surtout tu ne prends aucune initiative. Tu m'attends et c'est tout."
- Je sais que tu aimes les rognons, mon chaton, alors si tu veux, je t'en prépare pour ce soir."
A vous de choisir à chaque fois si la personne qui s'exprime est homme ou femme, les rôles sont presque interchangeables.
A noter qu'une erreur s'est glissée dans le reportage. Après analyse, elle confirme la règle, le dernier couple est constitué d'une mamy et d'un angora.
Le plus remarquable, c'est que ce syndrome oral s'arrête brutalement dès que l'un des deux quitte la partie, que ce soit la(le) loquace, ou le(la)muet(te).
Cette petite chronique mettra, nous en sommes sûrs, du baume au coeur des jeunes couples, dont la densité de la vie intime est trop souvent chahutée par les vicissitudes et les trépidations du monde moderne. Ils savent qu'au bout du chemin, il trouveront l'équilibre et l'entente parfaite. Encore merci les Ecumes de PAM.

samedi 25 juin 2011

Je suis soldophobe, mais je me soigne


Longtemps pour moi, "solde" est resté un nom féminin singulier. La solde était ce que mon militaire de père touchait à la fin du mois. Rien de plus normal pour un "soldat".
Mais depuis de nombreuses années, c'est le masculin pluriel qui domine régulièrement l'actualité: les soldes.
J'allais tranquillement mercredi dernier acheter un Müesli bio sur Vélizy II, quand je sentis rapidement que je n'avais pas bien choisi ma journée. Emporté par un mouvement global de soldogenèse, je me suis vite retrouvé au Printemps, à mon portefeuille défendant. Faisant contre mauvaise fortune bon coeur, je me suis dit que j'allais peut-être faire une bonne affaire! Je me dirigeai donc avec l'énergie d'un saumon remontant le Niagara vers mes rayons habituels. Quelle surprise: aucune chaussette beige unie en fil d'écosse n'était soldée! Par contre, les violettes fluo étaient à moins 50 %. Et quelle malchance : aucun boxer DIM de couleur n'avait l'étiquette orange magique! Les strings, oui, mais pas les boxers. Le problème, c'est que même soldés, j'attrape un rhume avec ces trucs-là.
Enfin, je vis de loin une belle pile de chemisettes blanches, avec une étiquette alléchante, "Affaire Printemps" etc. Moi, j'aime les chemisettes blanches. En fait, rien de soldé dans ces articles bien en évidence, spécialement fabriqués pour les soldes, mais non soldés. Ce qui n'arrêtait pas une armada féminine redoutablement efficace de les froisser compulsivement . Mais pourquoi un tel acharnement? "Mon pauvre ami, si tu commences à réfléchir aujourd'hui, tu passes à côté de toutes les bonnes affaires!"
Bref, je m'en suis retourné sans Müesli, remettant à plus tard également le réassort de ma garde-robe sous-vestimentaire.
Dommage, je n'ai rien dépensé! En regardant les milliers de sacs que balançaient autour de moi des consommatrices essoufflées, décoiffées, mais à la mine réjouie, je me suis senti tout triste, décalé. On m'a dit que pendant les soldes, plus on dépense, plus on fait des économies. Eh bien, je n'ai fait aucune économie! J'ai vraiment honte.
Je fais encore partie des inadaptés chroniques qui font leurs acquisitions vestimentaires pendant l'année, quand les rayons sont pleins, les allées vides, et les vendeuses avenantes. Quel nul! Je suis un représentant d'une espèce en voie de disparition qui résiste encore et toujours à l'envahissante impression qu'on le prend pour un imbécile parce qu'il paye le prix fort.
Mais j'ai l'intention de me soigner: la prochaine fois, je me laisserai tenter par l'adorable shorty transparent à - 80 %. Et tant pis si ce n'est pas ma taille: chaque fois que je le verrai dans mon armoire, je me dirai: bravo, PAM, t'as vraiment fait une affaire!
Vivent les soldes.

lundi 20 juin 2011

Auto : suggestions

La lecture de plusieurs messages précédents peut me faire classer de facto dans la vaste catégorie des "râleurs". D'aucun(e)s m'en ont même fait directement grief. Soit.
D'abord, je veux revendiquer ici mon droit à exercer dans toute son étendue cet art qui permet de distinguer le français de l'européen. La râlitude est en effet l'étendard de la francitude.
Ensuite, je m'en vais derechef vous démontrer que cet exercice n'est pas le seul auquel je peux me prêter. Il m'arrive en effet d'être positif, et même force de proposition.
Qu'il me suffise de choisir un sujet au hasard, par exemple l'usage automobilistique. Le gouvernement est-il en manque d'idées? J'accours aussitôt à la rescousse.
Première idée, les Bons points:
Vous franchissez juste une fois un feu orange, aussitôt de zélés policiers vous arrêtent le long de la voie et s'apprêtent à vous verbaliser. Vous êtes perdus! Sauf si vous disposez de ma machine à bons points! Vous leur présentez l'écran de cette machine, qui a enregistré toutes vos bonnes actions depuis un mois: arrêts aux passages piétons pour jeunes poussettes ou anciens poussifs, respects des 50 km/h requis sur certaines bretelles d'accès à l'autoroute (on sait que c'est le moment d'accélérer quand un 38 tonnes hurle à 50 cm derrière votre coffre) et même une place vacante laissée à une jeune maman un samedi après-midi à Parly II alors que vous venez de tourner 30 minutes avant de la trouver!
On peut donner un barème, par exemple 10 bonnes images contre un feu orange, 10 aussi pour un dépassement de vitesse de moins de 10 km/h, etc...
C'est vrai à la fin, on est un ange tout le temps, et un seul petit nuage diablotin nous fait noircir infernal par la maréchaussée. Bon, reste à mettre au point la machine, mais au moins j'ai donné le concept.
Seconde idée, le Jeteur de sorts:
Inversement, il vous arrive souvent d'être le spectateur impuissant de graves manquements à la sécurité routière. Par exemple, un fou roulant qui prend son pare-brise pour un écran vidéo et slalome pied au plancher sur toute la largeur de l'autoroute bondé, en vous frôlant au passage. Ou bien une (charmante au demeurant) conductrice qui réussit à écouter la radio, répondre à sa belle-mère assise à la" place du mort" (vraiment une coïncidence), faire un raccord de rouge-à-lèvres tout en écrivant un SMS. (Non, ce n'est pas du sexisme, seules les femmes savent faire plusieurs choses à la fois.) Vous vous rendez compte qu'elle néglige de s'arrêter aux stops, aux feux rouges, ignore où se trouvent les clignotants et adore changer de file sans crier gare... Ou encore le cabriolet frondeur qui passe à toute vitesse sur la voie d'accès d'urgence quand vous poireautez consciencieusement (et dans consciencieux, il y a sciencieux) depuis une heure dans un bouchon qui n'est pas lyonnais. Ah, on aimerait tant qu'existe une justice immanente, qu'apparaissent en vengeurs casqués les susdits anges gardiens de la route! Hélas, il faut bien reconnaître que l'immunité n'est pas que parlementaire.
Eh bien mon système, encore plus précis qu'un sort d'Harry Potter, lance un lasso électromagnétique sur le véhicule concerné, qui bloque définitivement sa radio à fond sur "Fais-moi du couscous chéri, fais-moi du couscous", le tube de 1960 déjà responsable de 2630 suicides et 4329 divorces. Je sais, c'est cruel, mais imparable.
J'ai d'autres idées, que je garde pour plus tard, comme le remercieur automatique, qui fait un grand coucou à votre place, ou le capitaine de soirée intégré ("Bonsoir, PAM, tu m'as l'air - comment dire - bien fatigué. Je te ramène à la maison, surtout ne touche pas le volant").
Mais vous avez de la chance, c'est tout pour aujourd'hui.
Alors, je vous ai convaincus?

samedi 11 juin 2011

Le pays du Bouddha

J'ai eu la chance de passer quelques semaines au pays du sourire, la Thaïlande, et effectivement, on ne peut qu'être tenté par cette approche de la vie, quand on voit la gentillesse de ces peuples d'Asie qui vivent souvent avec cent fois moins que nous. Nulle trace d'agressivité, de ressentiment. On se sent en paix, paix avec les autres, paix avec soi-même.
De fait, le bouddhisme qui est la toile de fond de cette civilisation attire de plus en plus d'occidentaux, qui y trouvent volontiers le contre-pied exotique à la vanité de leur mode de vie.
De plus, il est de bon ton de dire que ce n'est pas vraiment une religion, plutôt une philosophie.
Catholique par éducation, athée par conviction, je ne suis même pas agnostique. Je ne crois pas que je rencontrerai un jour "la" religion qui me convienne, que j'aurai alors "la" révélation, comme Paul Claudel derrière une colonne de Notre-Dame de Paris. Mais je me suis intéressé au bouddhisme, ne serait-ce que pour le plaisir d'apprendre.
Et j'ai eu la confirmation de mes craintes. Une philosophie? Bien sûr que non. Une religion pure et dure, oui. Voyons plus avant:
"Tous les événements sont du domaine de l'éphémère : la seule vérité permanente est la souffrance qui naît des frustrations causées par les désirs et les passions.
Il faut donc renoncer à tout désir et trouver les chemins conduisant à la renonciation.
L'homme est responsable de son destin, à condition de se forger une discipline personnelle basée sur la connaissance de soi, la méditation et l'obéissance aux préceptes bouddhistes..."
Eh bien, on est parti pour bien rigoler.
Décidément, de Platon à Jésus-Christ en passant par Bouddha, notre vie sur terre n'est qu'une vallée de larmes, un passage honteux dans un environnement forcément imparfait, grossier. "Excusez-moi de naître. Sans avoir rien fait encore, je sais que je suis déjà couvert de péchés! Mais ne vous en faites pas, je vais passer ma vie à me flageller, à résister aux immondes pulsions qui me poussent du côté du mal, à renoncer à tous les plaisirs possibles, pour me consacrer à une vie meilleure dans l'au-delà". Certains aiment leurs chaînes, mais moi, j'ai envie de zapper tout de suite!
Quelle différence entre le bouddhisme et le christianisme? Eh bien, simplifions. Pour les catholiques, Saint Pierre attend le postulant à la porte du ciel, pèse le pour et le contre, comme le Minos des Enfers grecs, et envoie au Paradis, disons, si l'on a au-dessus de 12 sur 20, ou en Enfer en-dessous de 8, et dans un espace intermédiaire, le purgatoire, quand on a entre 8 et 12... C'est clair, c'est la même règle pour tous. Le Saint-Pierre du bouddhisme (quel que soit son nom, il en faut bien un qui décide!), lui, il est plus exigeant, mais il autorise le redoublement. "Tu n'as pas 18, pas de Nirvana. Mais tu as le droit de retenter ta chance: retour sur terre." Par contre on n'a pas le choix du programme. Fourmi ou chacal, intouchable ou rockstar, DSK ou SDF, c'est la roue du Samsara qui tourne pour nous. C'est vrai que cela peut soulager de regarder un président de la république et de se dire que dans sa prochaine vie il a de grandes chances d'avoir plutôt un Solex qu'une Rolex. Mais franchement, c'est une règle du jeu encore plus compliquée. J'ai déjà du mal avec un seul passage sur terre, alors non merci pour le coup de la roue du destin, de l'éternel retour... Je ne supporte pas l'idée que l'on s'occupe de moi une fois, alors repasser régulièrement devant le même jury, pour se faire recaler parce que l'on a regardé une jolie fille, merci bien.
Bref, j'ai arrêté là mes investigations.
Mais alors, pourquoi une telle impression de paix dans ces pays où la peau est bronzée et les yeux sans paupières?
Parce que sont les hommes qui créent et vivent leur religion, pas l'inverse.
Quand on a envie de zigouiller, comme dit Alain Souchon, on trouve toujours une religion pour sanctifier ses crimes, et sinon, on la crée.
On ne pourra jamais faire l'expérience, mais je pense que même érigé en Religion d'Etat dans les pays occidentaux et moyen-orientaux, le bouddhisme  ne changerait rien à l'affaire.
On est peut-être le premier pays du fromage, mais on a du boulot pour être le "second" pays du sourire.

samedi 28 mai 2011

Radar-Detector, héros national

Nous venons de vivre un grand, un beau moment de démocratie!
Quel bonheur de voir ainsi les français et leurs élus unis dans un même élan, tendus vers un seul but!
L'issue de ce fier combat était une certitude: seule la victoire était envisageable!
Je veux parler du retrait scélérat des panonceaux annonciateurs de radars,et l'interdiction des détecteurs associés.
Un peu plus, et il fallait respecter les limitations de vitesse? Non mais sans blague!
Alors que nous apprenons depuis notre petite enfance à dénoncer notre colocataire de couffin (c'est elle qui a bu tout le biberon), à copier sur notre voisin de classe, à tricher sur nos impôts, à planquer nos économies au Liechtenstein, voire à trousser la soubrette et la faire virer vite fait, on voudrait nous faire rouler au pas?
A tel point que cette technique du contournement systématique est devenue un art national, oui, Môssieur, un Art! Et on voudrait nous ramener au niveau du citoyen européen moyen? Et l'exception nationale alors? Et si on veut rouler comme des malades, nous autres français, mettre en danger notre vie, celle de notre famille et celle des usagers de la route que l'on double ou que l'on croise? C'est vrai à la fin, on ne peut plus s'amuser! Qu'on nous laisse notre petite chaussée carrée! Un petit coup derrière la cravate avant de prendre la route, et tout nous est permis. Les panneaux ou les bips de notre système (Coyote, Cobra, Copains Comme Cochons,..), c'est bien pratique, on est prévenu pile poil, un coup de frein rapide, et on réappuie illico sur le champignon. Le bonheur. Alors ne venez pas rouler sur nos plates-bandes.
Merci, encore merci à nos vaillants élus de l'UMP, fidèles relayeurs de la vox populi, d'avoir vu le danger! Dans mon pire cauchemar, je les vois défendre la loi qu'ils ont votée, devant le peuple, la bouche en cul-de-poule, le style donneur de leçons: "Oui, c'est évident, le plus simple et le plus sûr pour réduire les accidents, c'est de respecter le code de la route, et surtout les limitations de vitesse." Quelle nullité. Tomates et échec électoral assurés.
Heureusement, cela n'arrivera jamais!
D'ailleurs, je n'ai ni lu ni entendu le moindre journaliste oser émettre l'idée saugrenue que les panonceaux sont inutiles, puisque nul n'est censé ignorer la loi. C'est vrai, on en a virés pour moins que çà!
J'imagine aussi les pauvres gendarmes et policiers, inutiles au bord de la route, malheureux au bord de la déprime.
Alors faites le geste qui sauve le moral des représentants de l'ordre, mettez-vous au moins à 20 km/h au-dessus des limitations, et pilez au bip, c'est presque un devoir civique.
Je vais d'ailleurs être obligé de troquer ma Twingo asthmatique contre un SUV rageur, si je veux y arriver. Mais que ne ferait-on pas pour une grande cause nationale?

vendredi 20 mai 2011

Kid Paddle


Rire.
Six minutes de rire par jour, la meilleure thérapie! Sans coût pour la Sécu et sans effets secondaires, exceptés peut-être une côte froissée ou un zygomate endolori.
Attention, cependant, il en est du rire comme du vin, il va de l'excellent élixir au gros gras indigeste.
Abordons aujourd'hui un rire assez inhabituel, peut-être le plus pur. Je veux parler du rire solitaire.
Je me souviens d'un vol moyen-courrier matinal, un Orly - n'importe où en France. Col blanc au milieu des cols blancs, je feuilletais machinalement un magazine anodin sur papier glacé. Après avoir parcouru en diagonale un article médical de fond (la pilule du lendemain pour l'homme n'est pas au point), je tournais la page d'un doigt distrait quand je suis tombé sur le nom de l'auteur: le docteur Bobot. Même l'almanach Vermot n'en voudrait pas, me direz-vous! Pourtant, je ne sais par quelle alchimie interne, je suis parti d'un fou-rire qui m'a définitivement fait passer pour psychopathe auprès de l'hôtesse de l'air..
Rares, très rares,étaient ces moments de bonheur égoïste. J'ai bien eu quelques pépites, découvertes dans Gaston Lagaffe, puis, sur un autre registre, dans San Antonio, voire quelques autres Rubriques à Brac. Attention, jamais à la télévision, où les humoristes attitrés (attristés devrais-je dire) déploient un abattage bruyant et consternant.
Heureusement, j'ai maintenant un gisement à domicile: la collection des albums de Kid Paddle.
Titeuf, Petit Spirou, etc.. la liste est longue de ces blagues dessinées en une ou deux pages, mais rien n'arrive au niveau de Kid Paddle.
Pourquoi? Ah, il est toujours dangereux de décortiquer ce qu'on aime. C'est vrai qu'il n'est pas nécessaire de connaître la recette du pied de veau sauce gribiche pour adorer en manger (d'ailleurs, il vaut mieux!).
Alors je pourrais vous dire: c'est très drôle, lisez-le, un point c'est tout! Et arrêter là ma critique, mais... j'aime décortiquer!
Donc, pourquoi m'arrive-t-il régulièrement de me mettre à rire tout seul, comme un débile mental, à la lecture de ces pages pour enfants, inoffensives au premier abord, mais redoutables bombes lacrymales?
C'est que l'auteur, Midam, réussit un tout de force phénoménal. Il nous emporte dans un monde oublié, perdu, inaccessible, un monde bien plus lointain que Dune, bien plus exotique que les Terres du Milieu, bien plus secret que l'Olympe: l'intérieur de la tête d'un enfant. Oh, pas n'importe quand: juste avant l'arrivée des hormones et de leur formatage sexué. Il est encore libre, tout-puissant. Il est le roi du monde qu'il se façonne à sa guise. Il rêve sa vie, il vit ses rêves. Il balaie d'un geste insouciant toutes les vicissitudes que les adultes tentent d'interposer sur son chemin. Il les ignore, il vit "dans un monde où les grands n'ont rien à faire "(Alain Souchon).
Nous découvrons ses règles décalées, sa logique implacable, quand par exemple pour s'endormir, Kid a besoin de tenir la main de sa poupée "Sergent Dégueulis Sulfurique". Il n'a peur que d'une chose, c'est de se voir offrir Rikiki le Canard à Noël.
La recette paraît simple, l'environnement de ce jeune garçon est bien bordé. Famille, amis, profs, on connaît rapidement tous les acteurs de ce petit théâtre imaginaire. Comme pour Guignol, l'auteur emploie une petite dizaine de trames de base, sur lesquelles il brode des variations à l'infini. Cette répétition, c'est déjà le monde de l'enfance.
J'ai un faible pour le père, dont Kid rêve toujours qu'il va lui révéler un aspect noir et secret, genre 007, et où il désespère à chaque fois de la platitude de la vie de son géniteur. Un couteau par exemple, qui aurait pu lui sauver la vie dans la jungle du Vietnam se révèle un petit outil de philatéliste. Et, hélas, avec une guitare, il ne hurle pas "Kill" dans un groupe déjanté underground, mais "je gratte un petit peu" comme Yves Duteil.
Les autres thèmes récurrents:
- jeux vidéo sur PC, où un jeune Goth apeuré termine toujours laminé par des monstres virtuels, les Blorks aux mille ruses.
- City Game, le paradis de Kid et de ses amis, une salle de jeux vidéos aux difficultés infinies, où le gérant (Mirador) rôde comme le surgé du collège,
- collisions domestiques avec le monde de sa grande soeur Carole, dont la poupée Cindy finit souvent très mal, au micro-ondes, au fond de l'aquarium, ou trépanée et grouillante de perce-oreilles...
- explications "rationnelles" des bizarreries du monde, où l'on comprend pourquoi des doigts de Martiens se trouvent parfois dans des boîtes de cornichons,
- tentatives toujours avortées d'aller voir les films d'épouvante du genre "Le retour de la momie qui pue qui tue", ou "Décapitation sans anesthésie", tout un programme...
- expériences scientifiques en tout genre de son copain à grosses lunettes, Big Bang, aux effets dévastateurs sur le voisin du dessous,
- réminiscences catastrophiques des leçons de Kung Fu reçues par l'autre copain, Horace (en hommage à la série "Kung Fu" avec David Carradine), Horace qui détient le record Guiness Book des fractures multiples,
- soirées de déguisements gore,....


La magie fonctionne à chaque fois, et même à la relecture! Onze tomes de pur bonheur déjà, et heureusement un 12ème pour août, "Panik room".
Comme le disait Pierre Desproges, on peut rire de tout, mais pas avec n'importe qui. Alors, rire seul à la lecture de Kid Paddle, c'est la certitude de ne pas se tromper.

dimanche 17 avril 2011

Secouons-nous les mains

La vie en société peut être regardée comme une série de rites à respecter et de rôles à jouer, qu'il faut apprendre de ses prédécesseurs puis inculquer à ses successeurs. Celles et ceux qui ne respectent pas ces règles mettent rapidement leur environnement mal à l'aise. Qu'il vous suffise d'imaginer, dans un restaurant étoilé, une tablée bruyante se mettre à l'aise en chaussettes et marcels, ou, pire, commander du coca!
Cependant, un secteur où la codification n'est pas d'une rigueur absolue, c'est le salut matinal au sein des entreprises modernes. Ah, la retenue toute simple de nos amis d'outre-Manche, pour qui un rapide haussement de sourcil ou un frémissement de la moustache suffisent amplement.
Mais non, le latin a besoin du contact physique.
La première difficulté réside à la fois dans les horaires variables et les nombreux déplacements, notamment vers la machine à café..
Il est à peu près possible de serrer la main à tous ses collègues de plateau en suivant une logique géographique, quand ils sont tous à leur place.
Il est déjà plus difficile d'avoir un petit mot original pour chacun (le temps, le trafic, l'actualité, on s'épuise vite)
Cela devient terriblement complexe dès que les susdits collègues se déplacent, se retrouvent les uns chez les autres, au café, ou arrivent plus tard...
Et voici le terrible dilemme quotidien: est-il plus vexant d'ignorer un nouvel arrivant en pensant l'avoir déjà salué, ou de tendre sa main vers une autre que l'on a oublié avoir serrée quelques minutes auparavant?
Dans les deux cas, l'interlocuteur prend bien soin de vous montrer combien vous avez mal agi. Que ce n'est pas seulement un geste étourdi, mais bien le symptôme d'un mal plus profond. Chez vous, interviennent en force le désintérêt, l'indifférence, voire le mépris pour autrui, mais aussi l'incapacité à communiquer, le refus du partage. C'est à la limite de la dénonciation aux Ressource Humaines comme une barrière aux valeurs qui font la force de l'entreprise, vous êtes un élément asocial et finalement un trublion dangereux pour l'équilibre de l'ensemble.
Mais nous n'en sommes qu'aux prémices du calvaire matinal. Car nous avons aussi des collègues femmes!
Lors, il faut être doublement à l'affût, car vient s'ajouter le rite du bisou. En plus de tout ce qui a été dit ci-dessus, il est indispensable de se souvenir que c'est la femme qui décide si elle vous autorise à l'embrasser, combien de fois, et par quel côté commencer. A remarquer que ce n'est jamais votre collègue féminine qui pose ses lèvres sur votre joue, mais toujours l'inverse. Ainsi, des joues accueillantes deviennent en quelques minutes un bisoudrome où la moitié de la société peut venir échanger ses microbes. Un bel exemple de convivialité.
Une étape supplémentaire est franchie dans l'horreur quand la hiérarchie s'en mêle. Se rappeler toujours que c'est au supérieur à tendre la main. Il faut attendre, refréner son geste, au risque de se retrouver honteux, la main tendue dans le vide, un sourire niais sur les lèvres. L'époque de l'H1N1 a ainsi permis aux grands chefs hilares de collectionner une bonne tranche de vexations, en ne serrant plus aucune main, et en se payant même le luxe de faire la leçon!
Enfin, je n'ose imaginer quel Golgotha quotidien j'aurais à franchir si j'avais un supérieur hiérarchique féminin! La main dans le vide, soit, mais la bouche en cul-de-poule arrêtée en plein vol? Heureusement, la société française a dû y songer. La preuve, mêmes si les femmes font de meilleures études que les hommes, aucune ne m'a dirigé en 30 ans de carrière (je ne parle pas du domicile), et cela n'en prend pas le chemin. Et dans votre entreprise?

jeudi 7 avril 2011

Bang La Dèche (merci Coluche)

J'ai été frappé par une photographie. C'est un instantané où l'on voit un enfant bengali en haillons, par terre, affolé, levant un bras maigre et dérisoire pour essayer de se protéger du coup de bâton que s'apprête à asséner un représentant de l'ordre du Bangla Desh, Sur la photo, il est impossible à dévisager, ce sbire éternel, dans sa tenue d'ange noir au bras levé, casque, gilet pare-balles, genouillères et bottes cloutées. Quelle honte, me direz-vous!
Oui, mais, la compassion passée, il faut réfléchir. Il faut voir le contexte! Ils y allaient un peu fort, aussi, les jeunes ouvriers bengalis du textile . Oser manifester pour demander une augmentation de salaire. Combien? Ils voulaient passer à 5000 takas (57 euros) par mois! On rêve.
Et comment pourrions-nous continuer à remplir nos armoires de vêtements Gap, Levi-Strauss, H&M, etc, s'il fallait payer leur main d'oeuvre comme la nôtre? Quel intérêt? Et pourquoi pas une couverture sociale, tant que vous y êtes, ou une cotisation pour la retraite? Allez, assez ri, ils ont bien le temps d'y penser à la retraite, ils ont entre 5 et 14 ans. Et à cet âge là, on n'est pas malade.
Finalement, à bien y réfléchir, elle est super bien faite, cette mondialisation. Avant, pour vivre décemment, il fallait avoir autour de soi tous ses esclaves, puis tous ses domestiques. Maintenant, c'est plus simple, moins encombrant, et plus sûr. Nos chaussures, nos vêtements, notre électroménager, nos ordinateurs, etc... tout est fabriqué pour une poignée de riz à l'autre bout de la planète. On peut évaluer à plusieurs dizaines (centaines?) le nombre de chinois, bengalis, philippins, malais, etc... qui, travaillent exclusivement pour chaque occidental. Et si une émeute arrive, nous ne risquons rien! Mieux, on peut même s'offusquer du mauvais traitement subi par ces pauvres exploités! Le système s'est bien amélioré depuis Spartacus, et merci aux policiers locaux de s'occuper du respect de l'ordre, les commandes doivent partir à l'heure.
Allez, au pire, si leur pays bascule à gauche et commence à faire dans le social, hop on passe à un autre, ils sont nombreux à attendre sur la liste... pas de souci!
Et puis quoi, finalement, on peut avoir bonne conscience, oui je dis bien bonne conscience. Qui sait, sans nous, ils cultiveraient encore le riz ou le sorgho derrière le boeuf familial, jusqu'aux genoux dans la boue et les excréments. Alors que l'avenir leur sourit, enfin disons qu'il sourit  déjà à leurs dirigeants. Ils peuvent nous remercier, on s'endette pour leur bien.
De toute façon, qui sommes-nous pour juger avec notre morale chrétienne? Si cela se trouve, le jeune bengali qui se fait frapper sur la photo pense que c'est une étape, peut-être difficile, mais nécessaire, pour progresser dans son karma personnel! Vous voyez bien!
Comme quoi, il faut toujours analyser une photo avant de réagir mal à propos.
Tiens, je vais faire un peu de shopping moi. Je n'ai plus rien à me mettre, je n'ai rien acheté depuis au moins une semaine.