mercredi 10 août 2011

Morse (Let the right one in)

J’ai regardé Morse (Let the right one in) quatre fois en un mois. La dernière fois, c’était hier, deux heures sans discontinuer avec en bande sonore les commentaires de l’auteur/scénariste et du réalisateur. Il s’agissait plutôt d’une discussion à bâtons rompus, insistant sur des détails qui m’avaient échappé (les yeux d’Eli brillent dans le noir juste avant qu’Oskar n’allume, montrant des pupilles elliptiques …) mais aussi pleine d’humour et de petits détails sur le tournage (par – 35 °C parfois) ou la vie à l’époque (vieille Simca faisant partie du décor, jingle de la radio suédoise des années 80, etc…). Une autre manière de rester encore un peu avec ce film extraordinaire.
Surtout que Harry Potter laisse ses fidèles (dont je fais partie) seuls avec leur blues, et que la vague vampirique rouge et noir qui envahit devantures et écrans me laisse froid. En fait, c’est sur les conseils de mon fils que j’ai regardé Morse. Je l’ai regardé seul, mais c’était presque dangereux.  Quand le générique de fin s’est égrené à l’écran, j’ai compris que quelque chose d’important venait de se passer dans ma vie. Je suis resté un moment tétanisé, sous le charme et le choc, reprenant lentement mes esprits après un voyage intemporel dans ce monde si proche et si différent.
Morse est un film hypnotique, centré sur une histoire d’amour entre deux préadolescents de 12 ans.  Oskar est l’archétype du jeune suédois; il a de longs cheveux fins et blond nordique, la peau diaphane et les yeux bleus. Sa démarche est douce, mais il nous laisse entrevoir tout un côté sombre: souffre-douleur de petites frappes de sa classe, fils de parents divorcés le laissant souvent à lui-même, il est attiré par le mal, mais n’y a encore jamais versé. Eli, yeux clairs, regard et cheveux sombres, a l’apparence d’une jeune fille, mais c’est aussi un vampire, qui boit du sang frais, ne peut supporter le soleil, et attend qu’on l’invite pour entrer dans une maison. L’hiver suédois est idéal pour elle, avec ses longues nuits et ses éclairages artificiels se reflétant dans la neige omniprésente.  Même si le sang est souvent présent, notamment dans une des premières scènes, décalée avec un chien blanc inattendu sous les arbres, l’histoire ne nous est jamais martelée, tout est plutôt suggéré, comme par exemple le fait qu’Eli puisse voler.  
La première rencontre entre Oskar et Eli nous les montre dans la cour de leur immeuble, illuminée et vide. En T-shirt et pieds nus dans le froid, elle apparaît sans bruit au sommet d’un jeu pour enfants, dont elle descend d’un simple saut, enfantin et maîtrisé, pour s’approcher d’Oskar emmitouflé. Cette séquence, ce saut, c’est tout le film, surprenant et dérangeant, mais délicat et attachant.  Une alchimie entre le réalisme de cette banlieue sans âme de Stockholm, et l’intrusion violente du surnaturel, un savant dosage où la finesse des dialogues Oskar-Eli est aussi empreinte d’humour. La maîtrise de la caméra et de la bande-son nous présentent l’histoire  dans un écrin blanc et froid, lumineux et limpide comme la superbe séquence dans la piscine, apothéose à la fin du film.
Il n’est pas possible de rester indifférent devant ce chef d’œuvre poétique. Je cherche maintenant le livre, « Laisse-moi entrer », en gardant les héros imprimés dans mon cœur, qu’ils ont fait un peu plus grand.

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