dimanche 27 mai 2018

Sang, sueur et larmes


Notre pays est sans aucun doute l’un des ceux où la vie est la plus pénible au monde. Heureusement, la communauté planétaire a pitié de nous et nous soutient dans nos épreuves :

  • Les chauffeurs de pick-up trucks à mitrailleuse du Moyen-Orient sont scandalisés par notre passage de 90 à 80 km/h sur les routes sans séparation en campagne,
  • Les jeunes yéménites, alphabétisés à 15 %, sont emplis de compassion devant la complexité de notre nouveau dispositif Parcoursup d’entrée dans les études supérieures,
  • Les soudanaises aux troupeaux morts de faim sont effarées par les affres que traversent nos concitoyennes désireuses de mincir avant d’exposer leur corps au soleil sur les plages,
  • Les malades en République Centrafricaine (plus faible taux de médicalisation au monde) sont anéantis par l’explosion des temps d’attente aux urgences dans nos hôpitaux,
  • Les anciens en Sierra Leone, dont l’espérance moyenne de vie est de 48 ans, sont consternés par la gestion si onéreuse de nos EPHAD,
  • Les femmes nigérianes sous la menace de Boko Haram sont accablées par la consommation (record mondial) d’anti-dépresseurs dans notre pays,
  • Les migrants syriens et africains qui embarquent à l’heure prévue sont dévastés par nos galères à répétition dues aux grèves aériennes et ferroviaires…

Comme quoi, dans notre quotidien français si âpre, si rude, si dur, nous savons que nous ne sommes pas seuls, et que nous pouvons compter sur le soutien moral et affectif de nos frères humains.

Et, pour finir sur une note d’espoir, une bonne nouvelle : les habitants de la Gambie, pays le plus pauvre de la planète, ont applaudi à tout rompre en apprenant la suppression de notre ISF !

vendredi 27 avril 2018

Accros aux accrocs


Le futur Napoléon III avait écrit un texte d’actualité à son époque: « De l’extinction du paupérisme » (avant de se l’appliquer à lui-même).
Il serait désespéré de voir aujourd’hui ces malheureuses et malheureux déguenillés errer dans les rues ou le métro. Ah, ils peuvent bien citer Rimbaud : « Mon unique culotte avait un large trou ».
En fait, il faudrait déciller les yeux de Louis-Napoléon: dans la majorité des cas, ce misérabilisme vestimentaire est un choix délibéré ! Napoléon "le petit" serait encore plus incrédule s’il apprenait que ces ruines de pantalons sont plus chères que ceux sans-trous.
Quant à moi, je suis toujours attristé par ces dégradations volontaires. Pas trop d’ailleurs par les messages qu’elles véhiculent.
Comme message, on peut par exemple penser à:« Vanitas vanitatum et omnia vanita », vanité des vanités, tout est vanité, tout est vain, tout passe, tout est éphémère : « Frère, souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras à la poussière. » C’est un beau message, pas très dynamisant, mais honnête.
On peut aussi imaginer: « Tu as vu la bête qui se cache en moi ? J’ai affuté mes griffes en plein émoi, t'as vu l'résultat ?… » Pourquoi pas, il doit y avoir un public intéressé.
On a aussi : « J’ai pas choisi de naître, hein, et la vie est courte. Alors, OK, je suis assis à côté de toi, pauv’ bouffon étiqueté petit costume/petite chemise/petite cravate/petite serviette, mais moi je ne joue pas à ton petit jeu, je brûle ce que tu adores, et j’adore ce que tu aimerais brûler. » Ce n’est pas fait pour me déranger outre mesure. Et je mets très peu de cravates.
Non, ce qui me dérange, ce qui heurte ma relation à la nature, c’est le geste même de la détérioration : l’entropie, le temps et la débauche d’énergie mise en jeu pour vieillir ces jeans à coups de sablage, microbillage, blanchiment, sciage, écorchage, râpage…autant de processus énergivores, polluants, d’un autre temps.
A l’époque du vegan, du bio, du retour aux sources, il faudrait que les seuls trous aux jeans soient naturels, qu’ils soient le résultat de centaines d’heures passées sur des selles rugueuses de cow-boys, ou sur les mottes d’argile, à genoux devant les poireaux et les potimarrons. Alors, là, oui : témoins et porteurs d’histoires et de valeurs humaines, ils mériteraient d’être très chers.

dimanche 22 avril 2018

Le pouvoir du Nous


Une publicité a attiré mon regard, récemment, et je me suis arrêté un moment pour en savoir plus.
Après lecture rapide de l’affiche, il s’est avéré que la pub émanait d’un organisme bancaire, participatif ou coopératif.
Le «pouvoir du Nous », c’est juste un slogan, genre l’union fait la force financière.
J’étais un peu déçu, j’avais cru qu’il s’agissait d’un manifeste pour la prévalence de la raison humaine : le Noûs de la philosophie grecque, l’esprit, l’intellect, la raison universelle.
La résurgence d’une des idées force du siècle des Lumières, c’était trop beau.

Je suis reparti en regardant mes chaussures de tennis, et en chantonnant machinalement : « Tous ensemble, tous ensemble, … ».
C’est fou, le pouvoir du nous, c’est fort, le pouvoir du corps,  c’est c.., le pouvoir du on!

jeudi 12 avril 2018

La ligne rouge




Je trouve nauséabonde et indécente cette mise en scène de l’escalade va-t-en-guerre orchestrée par les dirigeants occidentaux bien-pensants, et reprise fidèlement par nos médias impassibles.
Massacre de civils à la bonne bombe incendiaire de chez nous ? Mais oui, pas de problème, M. Assad.
Massacre au chlore? Ah, attention !
Massacre au gaz Sarin? Ah non, Monsieur Assad, non, non, non, vous avez franchi la ligne rouge: il faut savoir massacrer proprement !

La guerre en Syrie a causé la mort de plus de 100 000 civils depuis 2011, cela fait beaucoup de monde dans leur beau jardin du Paradis. On peut imaginer leurs discussions :
 « Eh bien, Adnan, toi aussi tu as succombé sous les bombes du régime alaouite ? »
« Absolument, mon cher Usama, mais moi, j’étais de l’autre côté de la ligne rouge ! Oui Monsieur, moi, c’est le gaz Sarin qui m’a tué ! »
« Ah, Adnan, tu peux en être fier, tu as droit à tout mon respect et à toute mon admiration. Indigne vermisseau que je suis, je reste de mon côté de la ligne, et ne viendrai plus te déranger avec ma mort insipide.»

Et voilà que l'on ose instaurer une hiérarchie de la tuerie, une échelle de l'horreur, une modération de la mort, censée pourtant rendre tous les hommes égaux. Il est vrai que si les morts peuvent modérément apprécier l’attitude des pouvoirs politique et militaire, leur voix porte peu.

lundi 26 mars 2018

QI & IT


Régulièrement, la réalité rattrape voire dépasse la fiction, et même la science-fiction.
Par exemple, le Big Brother inquisiteur de 1984 n’est qu’une pâle anticipation d’Internet. A noter en passant l’amusante et merveilleuse différence : l’écran de surveillance de Big Brother était imposé dans chaque appartement par le pouvoir totalitaire, alors qu’aujourd’hui, c’est volontairement que nous émettons à chaque seconde de centaines d’informations à notre sujet, par les réseaux sociaux, Google, Amazon, Waze,…!
Autre exemple, une montre connectée donne accès en quelques secondes à des bases de données qui vont bien au-delà de ce que Hal, l’ordinateur de 2001 l’odyssée de l’espace pouvait connaître...
Et enfin, depuis Deep Blue, un gros ordinateur peut battre n’importe quel champion du monde d’échecs ou de go. 
Bon, où veut-il en venir, vous demandez-vous finement ? 
En fait, je veux mettre en perspective deux tendances qui sont certainement inéluctables, la diminution du QI de l’espèce humaine, et le remplacement par la technologie de très nombreuses tâches encore dévolues à l'homme.
Diminution du QI d’abord. La principale raison suspectée par les experts est la prolifération des perturbateurs endocriniens. Soit. On peut aussi imaginer que, comme un muscle, le cerveau nécessite des stimulations régulières pour se développer, et surtout créer son réseau synaptique. Pour le cerveau comme pour LinkedIn, ce n’est pas ce que sait un neurone qui compte, mais le nombre de connexions qu'il a créées avec les autres neurones. L’intelligence passe par les mises en relation, les mises en perspective, et les associations d’idées.
Mais à quoi sert de développer son cerveau alors que le monde a tout organisé pour que ce soit inutile ?!
D’une part, dans la vie moderne, tout est normalisé, réglementé. Pas un domaine qui échappe à un code post-napoléonien, à un standard ou à une norme. De la taille des baleines de parapluie à l’accessibilité des lavabos, de l’attribution du label architecture contemporaine à la sécurité des toboggans aquatiques, tout est disséqué, pré-formaté pré-digéré.
D’autre part, nous avons accès à n'importe quelle information en quelques clics. Cela fait belle lurette qu’il est devenu impossible de briller en société en annonçant par exemple que la Nouvelle-Guinée a une surface plus importante que Bornéo ! Aussitôt 20 doigts agiles extirpent et exhibent une information digitale à l’hectare près !
Donc, le QI descend, mais ce n’est pas si grave.
En parallèle, l’IT augmente. L’intelligence artificielle. La capacité à remplacer et améliorer la réalisation des tâches humaines par les dernières découvertes technologiques, ordinateur quantique, réseau de neurones artificiels, apprentissage profond,… . Je n’ai pas besoin de chercher loin pour trouver un exemple : je sais pertinemment que mon successeur pourrait très bien être une application issue de ces dernières découvertes : toujours disponible, de plus en plus performante, etc.... N’ayons pas de fausse pudeur, la très grande majorité de nos travaux pourrait ainsi être avantageusement réalisée par des robots. Il faut s’y faire.
Au fait, le mot à la mode, c’est cobot, robot collaboratif. Le robot qui travaille avec l’humain. Tu parles d’une blague : l’humain va vite devenir un boulet ! Je pense que ce mot, cobot, est une invention des robots, c’est la preuve qu’ils commencent à envahir nos sphères humaines, et ne veulent pas nous faire peur. Avançant masqués, dans l’ombre, ils nous évincent lentement de nos jobs. Et finalement, qui s’en plaindra? Quel que soit le temps que cela prendra, nous serons consentants!
Alors, que nous reste-t-il ? Si un homme se définit par son travail, et qu’il n'en a plus, comment se reconstruire ? La paresse est-elle l’avenir de l’homme ?
Non, il reste un espoir. Et le passé peut nous aider. Surprenant, non ? J’en ai déjà parlé, les citoyens grecs avaient de nombreux esclaves, les citoyens romains en avaient des centaines. A cette époque, les médecins, les précepteurs (non, pas les impôts, les enseignants), les comptables étaient souvent des esclaves. Et ne parlons pas des travaux ruraux et domestiques.
Quelles étaient donc les occupations de ces classes privilégiées? La guerre, pas bon. La chasse, pas bon. La politique, franchement, essayons les robots. La justice, même chose. La religion ... même chose ! Qu’est-ce qui reste, alors ? L’art, l’art, l’art. L 'art qui a commencé sur les parois des grottes paléolithiques, et continue maintenant de mille façons de nous surprendre et de nous émouvoir. Fi du QI, place au QA, le Quotient Artistique. L’émotion artistique est encore ce qui distinguera l’humanité pendant des décennies, jusqu’à ce que