« La sixième extinction de masse des animaux s’accélère
de manière dramatique » Le Monde du 10 juillet 2017.
Je n’ai pas de mots assez forts pour clamer mon
désarroi, mon désespoir, mon impuissance.
Lors du prochain Déluge, le futur Noé n’aura
pas à construire une arche bien grande, il lui suffira d’aller à la ferme
voisine pour faire tenir sur une barque tout ce qui restera du règne animal
terrestre.
De même, l’Imagier du Père Castor n’offrira
bientôt plus que quelques pages à tourner pour les futurs jeunes humains. Il
s’appellera d’ailleurs plutôt l’Imagier du Père Bélier, ou Taureau, ou Lapin,
quand le dernier castor sera empaillé.
Bon sang, vous sont-elles parvenues aux
oreilles, les dernières nouvelles des autres habitants de la planète?
Mais non, nous sommes saturés par le bruit des
explosions continues de la haine entre humains, submergés par les flots de sang
vermeil offerts à des dieux hypothétiques, éclaboussés par l’avidité maladive
qui infecte tout ce que l’homme touche.
Dans ce quotidien anthropocentrique,
entièrement façonné par et pour l’homme, qui entend, qui se soucie du bruit de
fond des animaux sauvages qui se meurent ?
Que va-t-on dire à nos petits-enfants ?
Quelles excuses produire quand nous aurons annihilé ce que la Nature nous a offert
comme «frères et sœurs» au sein de « sœur notre Mère la Terre » (St
François d’Assise), ou comme « confrères et compagnons » (Montaigne)?
Franchement, je ne donne pas cher de la peau
des descendants de Share Khan, de Bagheera, de Baloo ou d’Akela. Les enfants de
Mowgli ont détruit la jungle, la forêt, la savane, pour s'y installer et planter de quoi nourrir leurs
veaux, vaches, cochons et couvées...
Bien sûr, nous ne croisons pas tous les jours un
jaguar ou un mustang, une mangouste ou une coccinelle (eh oui, les insectes aussi deviennent
rares en EU !), mais bien triste sera le jour où seules des automobiles porteront
leur nom.
On me dit que l’homme est l’aboutissement
ultime de la Création, le roi couronné, le parangon de la Nature. Plus de trois
milliards d’années de lente progression depuis les monocellulaires jusqu’à
l’Homo Sapiens. Regardez-vous dans la glace: vous avez été créés à l’image des
Dieux! Sapiens veut d'ailleurs dire intelligent, sage, raisonnable, prudent (adjectifs non
confirmés par les règnes animal et végétal, le minéral n'a pas encore donné sa réponse) !
Mais voilà, nous utilisons notre intelligence pour
notre seul profit à court terme: nous nous intéressons aux animaux à partir du
moment où ils nous permettent de nous enrichir. Le reste peut disparaître,
comme l’éléphant sans ses défenses ou le rhinocéros sans sa corne, tués par la
bêtise de mâles humains en panne de testostérone. Et à quoi servent un gorille, un
ours, un tapir, un tamanoir?
Pire que des monarques absolus, nous
asservissons le monde à notre avantage, envahissons les espaces les plus
reculés. Vous vous souvenez? : « Croissez et multipliez »,
ou aussi, « Faites plus d’enfants que les autres religions, nous les
submergerons pour la plus grande gloire de notre foi. ». Que veut dire
Sapiens déjà?
Je partage avec toute l’humanité une immense
responsabilité, mais que puis-je faire à mon niveau? J’ai un gazon bien pourri,
je n’ai jamais mis un gramme de désherbant; j’ai bien réduit ma consommation de
viande ; j’utilise le plus possible les transports en commun : est-ce
que le binturong de Malaisie, l’okapi du Zaïre ou l’ours à lunettes du Pérou sont
sauvés pour autant? Je me sens démuni, mais il faut à tout prix que je trouve
quelque chose à faire. Pour au moins oser regarder mon petit-fils dans les yeux
quand il comprendra combien ma génération a été pire qu’inhumaine, elle a été dé-naturée.