vendredi 20 mai 2011

Kid Paddle


Rire.
Six minutes de rire par jour, la meilleure thérapie! Sans coût pour la Sécu et sans effets secondaires, exceptés peut-être une côte froissée ou un zygomate endolori.
Attention, cependant, il en est du rire comme du vin, il va de l'excellent élixir au gros gras indigeste.
Abordons aujourd'hui un rire assez inhabituel, peut-être le plus pur. Je veux parler du rire solitaire.
Je me souviens d'un vol moyen-courrier matinal, un Orly - n'importe où en France. Col blanc au milieu des cols blancs, je feuilletais machinalement un magazine anodin sur papier glacé. Après avoir parcouru en diagonale un article médical de fond (la pilule du lendemain pour l'homme n'est pas au point), je tournais la page d'un doigt distrait quand je suis tombé sur le nom de l'auteur: le docteur Bobot. Même l'almanach Vermot n'en voudrait pas, me direz-vous! Pourtant, je ne sais par quelle alchimie interne, je suis parti d'un fou-rire qui m'a définitivement fait passer pour psychopathe auprès de l'hôtesse de l'air..
Rares, très rares,étaient ces moments de bonheur égoïste. J'ai bien eu quelques pépites, découvertes dans Gaston Lagaffe, puis, sur un autre registre, dans San Antonio, voire quelques autres Rubriques à Brac. Attention, jamais à la télévision, où les humoristes attitrés (attristés devrais-je dire) déploient un abattage bruyant et consternant.
Heureusement, j'ai maintenant un gisement à domicile: la collection des albums de Kid Paddle.
Titeuf, Petit Spirou, etc.. la liste est longue de ces blagues dessinées en une ou deux pages, mais rien n'arrive au niveau de Kid Paddle.
Pourquoi? Ah, il est toujours dangereux de décortiquer ce qu'on aime. C'est vrai qu'il n'est pas nécessaire de connaître la recette du pied de veau sauce gribiche pour adorer en manger (d'ailleurs, il vaut mieux!).
Alors je pourrais vous dire: c'est très drôle, lisez-le, un point c'est tout! Et arrêter là ma critique, mais... j'aime décortiquer!
Donc, pourquoi m'arrive-t-il régulièrement de me mettre à rire tout seul, comme un débile mental, à la lecture de ces pages pour enfants, inoffensives au premier abord, mais redoutables bombes lacrymales?
C'est que l'auteur, Midam, réussit un tout de force phénoménal. Il nous emporte dans un monde oublié, perdu, inaccessible, un monde bien plus lointain que Dune, bien plus exotique que les Terres du Milieu, bien plus secret que l'Olympe: l'intérieur de la tête d'un enfant. Oh, pas n'importe quand: juste avant l'arrivée des hormones et de leur formatage sexué. Il est encore libre, tout-puissant. Il est le roi du monde qu'il se façonne à sa guise. Il rêve sa vie, il vit ses rêves. Il balaie d'un geste insouciant toutes les vicissitudes que les adultes tentent d'interposer sur son chemin. Il les ignore, il vit "dans un monde où les grands n'ont rien à faire "(Alain Souchon).
Nous découvrons ses règles décalées, sa logique implacable, quand par exemple pour s'endormir, Kid a besoin de tenir la main de sa poupée "Sergent Dégueulis Sulfurique". Il n'a peur que d'une chose, c'est de se voir offrir Rikiki le Canard à Noël.
La recette paraît simple, l'environnement de ce jeune garçon est bien bordé. Famille, amis, profs, on connaît rapidement tous les acteurs de ce petit théâtre imaginaire. Comme pour Guignol, l'auteur emploie une petite dizaine de trames de base, sur lesquelles il brode des variations à l'infini. Cette répétition, c'est déjà le monde de l'enfance.
J'ai un faible pour le père, dont Kid rêve toujours qu'il va lui révéler un aspect noir et secret, genre 007, et où il désespère à chaque fois de la platitude de la vie de son géniteur. Un couteau par exemple, qui aurait pu lui sauver la vie dans la jungle du Vietnam se révèle un petit outil de philatéliste. Et, hélas, avec une guitare, il ne hurle pas "Kill" dans un groupe déjanté underground, mais "je gratte un petit peu" comme Yves Duteil.
Les autres thèmes récurrents:
- jeux vidéo sur PC, où un jeune Goth apeuré termine toujours laminé par des monstres virtuels, les Blorks aux mille ruses.
- City Game, le paradis de Kid et de ses amis, une salle de jeux vidéos aux difficultés infinies, où le gérant (Mirador) rôde comme le surgé du collège,
- collisions domestiques avec le monde de sa grande soeur Carole, dont la poupée Cindy finit souvent très mal, au micro-ondes, au fond de l'aquarium, ou trépanée et grouillante de perce-oreilles...
- explications "rationnelles" des bizarreries du monde, où l'on comprend pourquoi des doigts de Martiens se trouvent parfois dans des boîtes de cornichons,
- tentatives toujours avortées d'aller voir les films d'épouvante du genre "Le retour de la momie qui pue qui tue", ou "Décapitation sans anesthésie", tout un programme...
- expériences scientifiques en tout genre de son copain à grosses lunettes, Big Bang, aux effets dévastateurs sur le voisin du dessous,
- réminiscences catastrophiques des leçons de Kung Fu reçues par l'autre copain, Horace (en hommage à la série "Kung Fu" avec David Carradine), Horace qui détient le record Guiness Book des fractures multiples,
- soirées de déguisements gore,....


La magie fonctionne à chaque fois, et même à la relecture! Onze tomes de pur bonheur déjà, et heureusement un 12ème pour août, "Panik room".
Comme le disait Pierre Desproges, on peut rire de tout, mais pas avec n'importe qui. Alors, rire seul à la lecture de Kid Paddle, c'est la certitude de ne pas se tromper.

1 commentaire:

  1. Je veux mon kid ! ceci dit je ne suis en manque de rire, avec un baby c'est tous les jours même tôt le matin. sinon, une bonne idée pour agrémenter les presriptions des docs à la place d'antidépresseurs à tout va !Qu'en dit M Bobot? CC

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