dimanche 30 novembre 2014

SOS d'un contact humain en détresse

        Un matin, je me suis réveillé grand-père, oui, avec un petit-fils! Je vous passe quelques épisodes, et maintenant nous nous retrouvons quelquefois au Mac Do. Ainsi, en allant récemment vers la Mer de Sable, nous nous arrêtâmes en chemin, alertés par la désormais verte enseigne. Il était très tôt, aucun client à part nous trois, et trois employés de la multinationale américaine derrière le comptoir,…inemployés à cette heure. Montrant à mon Louis combien j’étais habitué au rituel du Super Big, je commandais péremptoirement « les menus qui vont bien », avec le jouet garçon bien sûr, surtout ne pas se tromper. Je m’entendis répondre «Désolé, Monsieur, mais vous devez commander sur les bornes automatiques », bornes que m’indiquait derrière moi  le toujours inemployé MacDonaldien . Je me retournai, déjà un peu énervé. Toujours pas un chat à l’horizon. Je risquai : « Mais enfin, qu’est-ce qui vous empêche de nous servir, c’est quand même plus agréable de discuter avec un être humain qu’avec une machine, je fais déjà ça toute la semaine ! ». Mais la procédure, c’est la procédure, le sous-employé nous pria de l’excuser, puis il finit par venir appuyer sur les touches pour moi, un vrai moment de forte convivialité. 

          Un peu plus tard, je me retrouve dans un  aéroport européen, avec un billet pour un horaire, et la volonté de prendre un autre vol. Je me dirige vers une borne… Après deux tapotements peu convaincus, j'obtiens une réponse négative: " trop tôt, allez au comptoir". Je trouve le comptoir aux couleurs françaises, pour m’entendre dire que ce n’est pas le bon endroit, « Ici, Monsieur, c’est juste les ventes de billets, je vous propose d'aller directement à la dépose des bagages ». A la dépose, on me dit qu’il faut passer par les bornes pour changer le billet et préenregistrer le bagage, « moi je ne peux pas le faire »… A la borne, enfin, une charmante jeune femme préposée m’indique où taper…Qui a pris le pouvoir ?

         Ainsi, je me retrouve de plus en plus souvent,  même en ville, à tapoter un écran, un clavier, à écraser mon pouce sur toute la surface pour tenter de passer à l’étape suivante, à préparer ma carte, mon portable pour le code en SMS , à me rappeler le nom de jeune fille de ma mère, le surnom de mon chat. Et je me demande toujours si une mauvaise manip ne va pas me ramener à la case départ dans ces jeux de l’oie modernes, où je sais bien qui joue le rôle du dindon!  Mais non, toute présence humaine n’est pas supprimée, le grand ordonnateur a tout prévu : maintenant, un servant de la machine, attentionné comme un valet de pied de Lord anglais, vient me ramener dans la froide et unique orthodoxie et me fait enfin cliquer là où l’on doit cliquer. Alors ça, c’est de la valeur ajoutée!

         Et le pire, c’est que j’accompagne machinalement ce mouvement: je choisis aux péages autoroutiers les couloirs anonymes à carte bancaire, je passe aux bornes automatiques aux caisses d'Auchan, d'Ikéa,… ! Je prends aussi des e-billets, et mon portable sert de cible consentante au pistolet rougeoyant du contrôleur dans le train: nous sommes comme deux témoins muets et abêtis d’un processus qui nous dépasse complètement.


         J’ai lu pas mal de romans de science-fiction où les robots prennent le pouvoir, et où l’humanité s’en sort toujours, in extremis, en jurant qu’on ne l’y prendra plus. Mais ici, pas de guerre, pas d’ennemis déclarés, pas de robots incontrôlables. Non, c’est bien plus pernicieux, beaucoup plus dangereux ! L’homme est juste lentement ignoré, mis de côté, évacué, laissé pour compte, rabaissé, décalé, dans le rôle du figurant, du faire-valoir, du serviteur de la machine. « Les temps modernes », oui, encore et toujours. Hier la machine a libéré l’homme, aujourd’hui elle l’utilise encore un peu, et demain elle lui dira peut-être qu’il a fait son temps.   

1 commentaire:

  1. Bonjour,
    Quand on prend conscience qu'on n'est plus que du bétail, c'est que c'est déja trop tard. Nous ne sommes qu'à l'ultime manœuvre de jouissance du marionnettiste.
    La partie est fini, la force obscure à gagnée.
    Cordialement

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